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Un Singspiel italianisant en français

Que reste-t-il du Singspiel original de la Flûte Enchantée ? Les dialogues parlés sont traduits en français, le livret connaît le même sort, l’orchestre laisse la place à un quatuor à vent et quant au genre lui-même, il devient ici une pièce de Commedia dell’Arte (encore une victoire musicale, posthume, des italiens ?).

Pourtant, rappelons-nous que La Flûte Enchantée a été créée dans un théâtre viennois populaire, le théâtre auf der Wieden, et qu’un des personnages principaux de l’opéra, Papageno, était interprété par un Emmanuel Schikaneder dont le but était entre autre d’amuser la galerie. Par conséquent, malgré les apparences, le principal a bien été préservé dans cette production : l’esprit juvénile et enjoué de Mozart.

Le metteur en scène Jean-Hervé Appéré est parti du constat suivant : Papageno est dans son essence le frère d’Arlequin. Tous deux aiment avant tout l’aspect charnel de la vie, boire, manger. Ils n’ont généralement recours à la parole que pour créer des quiproquos ou pour faire des bourdes (c’est comment, déjà, le nom de la fille de la reine de la nuit ? Tamina ? Pamina ? à moins que ce ne soit Paella ?) Et pour ce qui est du courage et du sens de l’honneur, ils préfèrent laisser ces qualités aux autres…

Papageno-Arlecchino est par conséquent le moteur de cette mise en scène, aussi est-ce en fonction de lui que tous les autres personnages et les décors se sont adaptés. Mascarades, effets comiques, marionnettes, acrobaties et combats spectaculaires font de cette Flûte Enchantée un enchantement tout public. La Commedia dell’arte aime l’humour décalé (une Pamina qui se prend soudain pour Blanche-Neige et qui nous chante « Un jour mon Prince viendra » en pensant à Tamino) et l’improvisation. Ces procédés comiques sont toutefois utilisés avec parcimonie et intelligence, et ne viennent jamais ralentir le rythme d’un spectacle qui se caractérise justement pas sa légèreté, sa clarté et son dynamisme.

Même si sur le plan musical, un quatuor à vents ne pourra jamais remplacer un orchestre complet, la qualité des musiciens et chanteurs est à souligner. La prestation virevoltante du Papageno en habits d’Arlequin est exceptionnelle, et il n’est pas en reste sur le plan vocal. Les vocalises de la reine de la nuit, certes un peu raide dans son jeu scénique, soulignent efficacement l’aspect maléfique du personnage. Chez Pamina, la chanteuse a pris le dessus sur l’actrice, et grâce à la suavité de sa voix, sa timidité passe souvent inaperçue.

On trouve dans cette Flûte Enchantée ce que l’on ne trouvera presque jamais dans une grande maison d’opéra : un travail de troupe. Grâce à cette force unie, les spectateurs de tout âge s’émeuvent, s’émerveillent et s’amusent autant devant la partition de Mozart et le livret de Schikaneder, que devant le travail scénique de la compagnie.

Crédit photographique : © DR

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