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Hans Knappertsbusch, ou la grande tradition wagnérienne

Si d'aucuns les estiment quelque peu dépassées de nos jours, fut toujours considéré comme le gardien des grandes traditions brucknériennes et wagnériennes.

Dès la réouverture du Festival de Bayreuth en 1951, les frères Wieland et , les petits-fils de Richard, firent appel à lui, même si leurs mises en scène correspondaient bien peu aux conceptions de l'illustre chef qui, en réaction, se désista en 1953. Toutefois les organisateurs du Festival parvinrent à le convaincre de revenir, ce qui nous valut sous sa direction un impressionnant total de cinquante-cinq Parsifal de 1951 à 1964, sauf bien sûr en 1953, la seule année de son absence ; six Ring en 1951, 1956, 1957 et 1958 ; treize Maîtres Chanteurs de Nuremberg en 1951, 1952 et 1960, et trois Vaisseau Fantôme en 1955.

Du Ring des Nibelungen donné en 1951 par le grand Kna, il ne subsiste apparemment que l'enregistrement du Crépuscule des Dieux réalisé par Decca et qui fut tardivement publié pour la première fois en 1999 par Testament (SBT4175) ; aussi accueillons avec gratitude ce premier Ring complet de Knappertsbusch en août 1956, et cela d'autant plus qu'il s'agit d'une édition Orfeo officielle cautionnée par , afin de mettre un terme à toute version « pirate », fût-elle techniquement bonne ou mauvaise.

Mais qu'en est-il de l'interprétation ? On ne s'attardera évidemment pas sur les prestations de chacun des innombrables chanteurs qui participaient à cet âge d'or du chant wagnérien ; toutefois il convient de mentionner Gustav Neidlinger qui fut le meilleur Alberich, d'une superbe éloquence, évitant la simple caricature du personnage ; Ludwig Suthaus se révèle excellent Loge ; n'est plus à présenter, lui qui fut l'immense Wotan d'après-guerre ; remplaça au pied levé Ramon Vinay, malade, dans le rôle de Siegmund, pour ensuite chanter, quelques jours plus tard, celui de Siegfried, et sa voix est constamment fraîche, vaillante et juvénile, quoique parfois légèrement trop basse d'intonation, problème de diapason dont il a rarement su se débarrasser ; campe une Sieglinde passionnée, tandis qu', idéale en Brünnhilde digne et somptueusement expressive, fait honneur à Kirsten Flagstad qui l'avait judicieusement recommandée aux frères Wagner.

La direction de Knappertsbusch est grandiose et puissante, et on lui pardonnera volontiers certaines habitudes probablement acquises lors de ses innombrables exécutions d'extraits symphoniques en concert : par exemple, si le fait d'opérer un net rallentando à la dernière citation du thème principal de la Chevauchée des Walkyries peut se justifier dans l'arrangement orchestral isolé, il constitue un non-sens si on l'applique à la page équivalente dans l'opéra même, brisant de la sorte la progression dramatique et le rythme mouvementé de l'action. Mais ce genre de défaut d'appréciation ne peut en rien occulter les nombreux instants de pur bonheur dont il nous gratifie tout au long de ces quinze heures de pure musique.

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