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O Maria Virgo : les chemins de la contemplation

Continuant leur redécouverte à partir de sources originales du chant sacré médiéval, rappelons au passage le précédent enregistrement en 2006, consacré à une Messe de Sainte-Lucie, Kantika nous offre ici d’entendre une messe issue du seul livre de chants polyphoniques encore conservé dans le lieu pour lequel elle fut composée aux environs de l’an 1300, l’abbaye Santa Maria La Real de Las Huelgas.

Destiné à enrichir la liturgie des grandes fêtes de l’année, le manuscrit contient 45 chants monodiques et 141 polyphonies. Pour constituer l’architecture du programme proposé ici, reconstituant une messe pour la nativité de la Vierge plusieurs chants liturgiques et paraliturgiques ont été retenus. On y trouve donc des chants de l’ordinaire « tropés » et en polyphonie (Kyrie eleson, Sanctus, Agnus dei), des chants polyphoniques pour le propre de la messe (Alleluia, graduel et offertoire), un Benedicamus Domino à trois voix et deux hymnes à la Vierge.

Fusionnant différents styles (aquitain, organa dans le style Notre-Dame de Paris, mais aussi propre à l’abbaye de Las Huelgas), ces manuscrits nous permettent d’entre-apercevoir au sein du réseau des abbayes cisterciennes une culture musicale riche, en quête d’expressivité à une époque charnière entre l’ars antiqua et l’ars nova.

Destinée à accueillir les infantes et grandes dames de l’aristocratie, l’abbaye de Las Huelgas avait acquis une autonomie permettant aux femmes des libertés qui choquèrent en leur temps (prêchant publiquement l’évangile, confessant…), elle est aussi et sa musique (à l’image de son architecture) en témoigne indirectement un bel exemple rarissime du syncrétisme religieux.

L’ensemble vocal féminin Kantika, parvient une fois de plus, à nous faire percevoir un monde où les rythmes de la vie étaient ceux de la contemplation, où le temps s’écoulait immuablement en chantant l’amour de Dieu, dans un monde sensible à la quête d’une harmonie où le divin s’exprimait à chaque instant, en toute forme.

La pureté du chant, l’équilibre et l’homogénéité sonore de l’ensemble, à l’intérieur duquel chaque voix est une âme, redonnent une émotion intense et rayonnante à ces textes. Créant un univers de recueillement, sources d’émotion, les voix a capella semblent un appel à se rassasier de l’eau la plus claire. Les phrases musicales sont ornées d’un entrelacs d’ornements qui font de ce chant grégorien un art vivant, lumineux, porteur d’une paix intérieure indéfinissable. L’ensemble Kantika nous démontre ici que la redécouverte du chant grégrorien est loin d’être terminée et qu’il peut encore nous réserver de belles découvertes, nous incitant à poursuivre notre chemin sur ces routes de pèlerinages, nous montrant un Moyen Âge aux parfums sonores si contemporains.

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