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Scharoun Ensemble Berlin : sérieux, solide, germanique, mais bon !

Ce couplage des quintettes avec clarinettes et cordes de Mozart et Brahms, pas tout à fait nouveau ni original, a l'avantage de réunir deux chefs-d'œuvre, séparés de 92 ans lors de leur composition, ainsi vus par des musiciens du XXIe siècle et destinés à des oreilles modernes. Le Berlin qui nous les propose ici est une des nombreuses formations de chambre constituées par des membres de l'Orchestre Philharmonique de Berlin. En formation complète cet ensemble constitue un octuor : clarinette, basson, cor, 2 violons, alto, violoncelle et contrebasse. Et son répertoire de base comporte, entre autres, le Septuor de Beethoven, l'Octuor de Schubert, et bien sûr les deux œuvres regroupées sur ce disque. Le clarinettiste et le premier violon Guy Braunstein sont d'ailleurs clarinette solo et premier konzertmeister du Philharmonique. Et pour finir avec la petite histoire, le nom de l'ensemble Scharoun vient de l'architecte à qui l'on doit de nombreux bâtiments à l'architecture intérieure en générale très fonctionnelle, et à l'extérieur très … personnelle, dont deux des plus fameux exemples, à l'air de famille très marqué, sont situés presque face à face à Berlin : le Philharmonie elle-même et la Staatsbibliothek.

Mais revenons à la musique pour remarquer immédiatement l'intelligence et le sérieux, sans austérité, de l'interprétation du . A aucun moment il n'essaie de mettre la perruque mozartienne ou la barbe blanche brahmsienne pour faire « authentique », mais regardent clairement ces deux œuvres, datées de 1789 et 1891, avec des yeux modernes. Ainsi jouées, ce qui rapproche les deux œuvres est plus facilement mis en évidence que ce qui les sépare, il y aura donc moins de différence stylistique entre les deux, comme certains pourraient l'attendre, car les cordes osent, et savent, user du vibrato et de l'archet moderne, la respiration et l'amplitude dynamique sont plus classico romantiques que strictement « classiques post baroqueux » tel qu'on l'entend aujourd'hui. Mais le tout sans jamais d'exagération. On pourrait même dire que ce sont deux interprétations « extrêmement rien du tout » et « modérément un peu tout ». Ce qui conduit à une première écoute qui peut laisser sur la réserve, se disant qu'un peu plus de mordant, de contraste ou d'impulsion serait bienvenu, mais à la réécoute (et à la comparaison avec d'autres versions), la cohérence d'ensemble à la logique musicale sans faille, l'intelligence des phrasés, la pertinence du rubato, la qualité instrumentale, emporte l'adhésion. Est-ce le compromis idéal, chacun jugera, mais reconnaissons que cela fonctionne assez bien dans les deux cas ?

Le quintette de Mozart démarre assez plaisamment avec un Allegro qui permet d'emblée de comprendre, bien aidé par une prise de son très équilibrée, que nous avons à faire à une formation de chambre, très homogène, et non à un assemblage de solistes tirant plus ou moins la couverture. De même la qualité de la clarinette saute immédiatement aux oreilles, tout semble facile et évident. Egalement très remarquable est l'intelligence des phrasés, respectant toutes les indications de la partition, mais les mettant en situation, avec des choix de respiration et de rubato à l'incontestable logique musicale. On recommandera en particulier l'écoute du Menuetto, et plus précisément du Trio I, où les musiciens ont réussi à trouver un phrasé à la naturelle évidence qui a échappée à bien de leurs confrères, qui reconnaissons le, pataugent ici plus souvent qu'à leur tour. Quant au final, il démontrera particulièrement l'intelligence des choix de tempo, toujours cruciaux dans un mouvement à variations. Tout cela donne un Mozart moderne mais convainquant et résistant bien à l'écoute répétée.

Ceux qui seront encore réticents à cette lecture moderne du quintette de Mozart, devraient perdre leur réserve devant un remarquable Brahms, où se retrouvent, encore plus en situation, les mêmes qualités interprétatives. Sans doute la grande tradition brahmsienne du Philharmonique lui-même, même si son actuel chef n'y est peut-être pas à son meilleur, mais reconnaissons ses efforts dans ce répertoire, a-t-elle permis à nos cinq instrumentistes de trouver un ton brahmsien naturel. Et de faire de ce SACD hybride, parfaitement lisible sur tout lecteur de CD, un disque tout à fait recommandable, qui tient bien la distance, peut-être sans génie renversant (modéré en tout, avons nous dit), mais très intelligemment interprété et sans faute musicale, ce qui est loin d'être le commun des interprétations actuelles.

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