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Galanteries pour la princesse Amélie

Quelle musique rafraîchissante que ces sonates pour orgue du plus doué des fils de Bach. Révolutionnaires à leur manière, ces œuvres n'ont plus rien à voir avec celles du vénérable père, et ouvrent des horizons nouveaux à l'orée du classicisme. D'ailleurs Carl Philip n'est-il pas tout simplement l'inventeur de ce nouveau style dit « galant » ? Virtuose comme nul autre au clavier, il écrivit d'ailleurs un essai remarquable sur « la véritable manière de jouer d'un instrument à clavier », il pense ces sonates en trois mouvements (lent-vif-lent), et les compose pour la princesse Anna Amalia de Prusse (1723-1787).

Passionnée par l'orgue, elle en fera construire un de 22 jeux, conservé encore de nos jours, mais la princesse est peu virtuose, ne connaissant pas ou peu l'usage du pédalier. Ceci explique que ces sonates sont écrites manualiter (pour les mains), et peuvent donc se jouer au clavecin ou au pianoforte. Pourtant leur destination pour l'instrument à tuyaux ne laisse aucun doute par certaines indications, changements de claviers, et c'est toujours ainsi qu'elles nous sont présentées. Un monde nouveau s'ouvre désormais à nous : le style classique, qui passe par la galanterie, et le fameux Sturm und drang, ouvrant ainsi la porte à Haydn et Mozart.

Nous connaissions déjà diverses versions de ces sonates, dont celle incontournable de Xavier Darasse, enregistrée pour Arion en 1974 sur l'orgue Callinet d'Oltingue en Alsace. Il avait su révéler toute l'essence de cette musique, de ses maniérismes si caractéristiques, grâce à un toucher « précieux », et des registrations très étudiées. Ce fût alors une découverte totale.

La présente approche est tout aussi passionnante, mais différemment. dont la technique et la musicalité sont irréprochables, nous emmène sur d'autres chemins, plus charpentés : il s'appuie en cela sur l'orgue de Gien, bien enraciné dans de solides basses, nécessaires pour cette musique sans pédalier, encore que, l'interprète ne se prive pas d'en rajouter quand le besoin s'en fait sentir (final de la Sonate n° 4 par exemple). Les mouvements lents sont flûtés, très sucrés, c'est de bon ton. Les registrations sont très variées, ce qui permet d'écouter le cycle dans son ensemble avec un intérêt toujours renouvelé. L'orgue du facteur Kœnig est équilibré, judicieusement choisi pour ces œuvres, tout comme la prise de son qui met en espace ses sonorités sans, perdre aucune goutte de cette bouillonnante musique.

Vous l'aurez compris, c'est beau, c'est bon ! Carl Philip a bien dû se régaler et bien épater la princesse Amélie avec cette musique qui respire d'un bout à l'autre la joie de vivre et le bonheur du clavier.

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