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Strauss ? Bernstein ! Chostakovitch !

Orchestre Philharmonique de Liège

Jean-Pierre Rousseau, directeur de l'orchestre s'est adressé au public en début de concert pour bien sûr souhaiter ses vœux à l'ensemble de l'auditoire, mais également pour rappeler que le programme d'un concert de nouvel an n'est pas obligatoirement conditionné par l'unique présence d'une grande famille autrichienne… Les Strauss n'ont en effet pas le monopole d'une musique « légère et joyeuse ». En prélude à son festival « Amériques », l'orchestre présente ainsi plusieurs pièces d'outre-Atlantique, mais encore de Russie. Enfin, Jean-Pierre Rousseau nous informe du malheureux désistement de John Axelrod, souffrant, qui devait assurer la direction de l'orchestre. La baguette a été confiée au jeune , dont c'est la première expérience avec l'OPL. Ce musicien s'est d'abord illustré par son talent de violoniste avant de se diriger vers la direction d'orchestre.

L'Ouverture cubaine de Gershwin est une pièce remarquable par sa rythmique jouissive largement soutenue par des percussions directement importées de l'univers musical cubain. La première partie de l'œuvre était cependant fort éloignée de cet esprit, le chef bridant son orchestre par un tempo d'une lenteur empêchant toute musicalité d'émerger. Les musiciens peinent à créer un ensemble cohérent et c'est avec soulagement que l'on arrive à la partie centrale de l'œuvre, sorte de mouvement lent, qui permet à la première clarinette et aux cordes de chanter élégamment. Lorsque le thème initial retentit à nouveau, adopte un tempo plus approprié et emporte l'orchestre dans l'univers fantasque et tellement coloré de Gershwin. Au-delà d'un simple choix de tempo, on aurait attendu d'avantage de relief dans la sonorité de l'orchestre. L'ouverture cubaine n'est pas une pièce facile mais l'on espérait beaucoup plus de subtilité dans la lecture de cette partition.

Les effectifs orchestraux fondent pour laisser respirer la Valse-fantaisie de Glinka, pièce agréable à l'oreille mais certainement pas majeure dans le répertoire de la musique russe… L'œuvre offre la majorité du discours aux cordes qui dévoilent un travail soigné sur l'ensemble des dynamiques. La Valse-polonaise de Tchaïkovski est issue de l'opéra Eugène Onéguine. Le chef livre à nouveau une lecture se limitant au premier degré de la partition. Malgré une gestuelle envahissante, l'orchestre se montre peu réactif et la musique de Tchaïkovski apparaît terne.

La deuxième partie du concert réchauffe un peu l'ambiance. La Suite n°2 de Chostakovitch est en soit une musique pleine d'esprit, de chaleur et surtout de mélodies populaires au sens le plus noble du terme. L'orchestre est ici rejoint par un ensemble de saxophones mais aussi par des instruments encore plus confidentiels dans la salle philharmonique : l'accordéon et la guitare. Le chef communique de façon plus constructive avec l'orchestre et la musique de Chostakovitch trouve en la formation liégeoise un interprète espiègle et enjoué. La Première danse, qui suit la Marche d'Ouverture pourra être comparée avec l'arrangement qu'en fait Chostakovitch pour le film Le Taon. L'orchestration réalisée pour le film de 1955 y a en effet considérablement gagné en légèreté et efficacité.

La courte Valse composée par Copland pour son ballet Billy the Kid constitue la plus sympathique découverte de ce concert. Le rythme balancé et la palette orchestrale ne sont pas sans rappeler l'ambiance éthérée des gymnopédies de Satie. Le Divertimento composé par Bernstein comme un hommage au Boston Symphony Orchestra clôt ce programme via huit mouvements relativement courts mais surtout très extravertis. Bernstein est le compositeur génial que l'on sait et il s'est visiblement fort amusé à écrire cette pièce qui se plait à varier sans transition les styles les plus contrastés. On retiendra spécialement le Turkey Trott, mouvement plein d'humour et de bonhomie. Le Blues est également surprenant par son brusque changement d'orchestration ayant pour effet de propulser de manière instantanée l'auditeur au cœur d'un club de jazz où s'affirment piano et batterie.

Point de Marche de Radetzki en bis, mais la célèbre marche propre à l'univers du cirque… Un choix plutôt étonnant alors que la marche de Strauss avait été esquissée quelque minutes plus tôt dans le Divertimento de Berstein ? La qualité du programme et l'engagement des musiciens dans la seconde partie du concert laissent augurer pour cette nouvelle année de nombreux autres beaux moments musicaux. C'est avec plaisir que nous retrouverons l'orchestre pour son festival Amériques.

Crédit photographique : © Yuri Shkoda

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