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Renaud ou le Prévert des banlieues

Lorsque l’on a la quarantaine naissante, Renaud fait au minimum partie intégrante de notre inconscient.

Nous l’avons vu à de multiples reprises au cours de notre vie médiatique nous balancer ses textes et ses mélodies tantôt anars tantôt bien à gauche tantôt toujours opposés à la haine établie. Lantier dans Germinal de Claude Berry, il s’est affiché au cinéma comme le représentant de la classe populaire, de l’ouvrier. Fils d’un professeur et écrivain, il intègre la troupe de Romain Bouteille et s’éclate au Café de la gare avec les plus grands comiques de notre temps en compagnie de Coluche, Miou Miou etc.

Nous avions à peine dix ans lorsque le chanteur crachait en noir et blanc son «Laisse béton» à la face de la classe moyenne bien établie – c’était un samedi dans l’émission «Samedi est à vous» présentée par Bernard Golet. Drôle d’instant, car à l’époque la vue d’un trublion tout habillé de jeans et de cuir cloutés avait plutôt tendance à effrayer les honnêtes gens. Renaud initiait un autre regard sur la France, celle des banlieues remplies de zonards au chômage… Une sorte de «punk» avec tout autant de paroles caustiques et bien placées mais… A la française. Premier souvenir qui montre un pays en quête d’une autre identité, d’une autre voie qu’il essaiera d’emprunter le fameux 10 mai 1981 ! Mais qu’est-ce qui a changé ? Pas grand chose et si le rap a remplacé la musette au fond des cours grises et des cages d’escaliers sombres des ghettos, il n’a pas su encore faire tomber les murs et la misère qu’ils cachent.

Renaud est toujours resté fidèle à ses convictions, ce qui est une vertu que bien des artistes et célébrités ont aujourd’hui piétinée au profit d’une vision «mondialitico-rentable» de leur engagement. Le constat est d’autant plus alarmant que ces mêmes artistes sabordent d’eux-mêmes tout ce qui les a fait naître et grandir, le socle sur lequel se base la réelle implication artistique : le contre-pouvoir, l’élévation des esprits par la culture, bref le combat de la liberté contre celui du pouvoir et de l’argent.

Les chansonnettes amusantes et légères comme Laisse béton, Adieu minette ou La tire à Dédé font partie intégrante d’un panel de plusieurs dizaines de titres enregistrés qui expriment tantôt la joie de vivre, tantôt la nostalgie (Mistral gagnant, Le petit chat est mort), la tristesse (La chanson du loubard*, Putain de camion), l’amour (Morgane de toi) ou bien la colère (Madame Tatcher). De son premier album Amoureux de Paname à Rouge sang, c’est l’itinéraire d’un poète loubard balloté dans une époque compliquée et pas facile à vivre qui nous est proposé. Tout ce que nous ressentons, il nous le restitue avec son grand cœur et son âme de chevalier des temps modernes. Nous ne sommes pas obligés d’être d’accord avec tout mais l’essentiel est de bien comprendre que nous avons affaire à un artiste encore rempli de naturel, d’implication et d’honnêteté intellectuelle au bout de plus de 30 ans de carrière…

Lorsque les éditions Points nous invitent à relire les paroles des chansons de Renaud c’est tout notre vécu qui rejaillit. Comment le définir ? Nous y avons pensé, évidemment, le terme de «Prévert des banlieues» nous vient à l’esprit ! Mais est-ce vraiment le bon ?

* La chanson du Loubard est une des très rares chansons dont Renaud n’a pas écrit les paroles. Nous nous devions de la citer quand même car c’est une des plus belles chansons du répertoire de Renaud signée Muriel Huster.

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