- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Trop d’intellect, pas assez de nerfs !

Après un véritable miracle dans Chostakovitch, le chef russe Vladimir Jurowski se lance à l'assaut d'un autre Everest de la littérature symphonique soviétique : la symphonie n°5 de Serge Prokofiev. À la tête d'un orchestre impressionnant en dynamique et précision (la comparaison est assez effarante avec le dernier disque du Philharmonique de Berlin chez EMI tant la phalange russe l'emporte haut la main dans les compartiments du jeu !), le jeune musicien prend son temps pour construire une interprétation assez massive. Ce traitement nuit aux mouvements n°1 et n°2, englués dans un manque de souffle. Cette puissance est très élaborée, mais gratuite et avare de tension. Le dernier mouvement est arraché avec des tempi plus allants, mais la encore, on regrette l'absence de pulsions dévastatrices. Tout est archi-maîtrisé, et on cherche en vain l'élan enragé de Mitropoulos (Orfeo), Szell (Orfeo), Bernstein (Sony), Karajan (DGG) ou le récent Belohlavek (DGG).

En complément le choix s'est porté sur l'Ode pour la fin de la guerre, une partition très originale par son instrumentarium inusité : 8 harpes, 4 pianos, orchestre de cuivres, percussions et 8 contrebasses. Composée en 1945, cette pièce témoigne du talent d'orchestrateur du compositeur, mais ne dépasse pas le stade documentaire. Cette version surpasse techniquement et musicalement le disque pionnier de Guennadi Rozhdestvensky (Melodiya) depuis longtemps supprimé.

Avantagé par une prise de son « Pentatone », c'est-à-dire plantureuse dans ses dynamiques et sa restitution des timbres, cet enregistrement intellectuellement brillant est une étape en demie teinte sur le chemin d'un jeune artiste surdoué mais qui devrait se lâcher un peu plus.

(Visited 87 times, 1 visits today)