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Leopold Stokowski, le père de la haute-fidélité ?

Cette production du label Membran est la réédition du premier de deux coffrets de dix disques consacrés à l'un des plus célèbres chefs d'orchestre du siècle précédent. Personnage vraiment hors du commun que ce Leopold Stokowski ! Il paraît que Fritz Reiner dit un jour de lui qu'il était « l'homme ayant inventé la haute-fidélité » et assurément, de tous les grands chefs d'orchestre de la première moitié du 20e siècle, Stokowski fut le seul à être fasciné et fortement intéressé par les techniques d'enregistrement sonore dans lesquelles il manifestait d'ailleurs une rare compétence. De manière dédaigneuse, beaucoup de « puristes » fustigeront Stokowski pour les modifications apportées à certaines partitions, alors que les mêmes acceptent sans sourciller – et même s'en douter… – et dans l'admiration, celles que Toscanini a apportées à La Mer de Debussy et aux Tableaux d'une Exposition de Moussorgsky-Ravel, et cela les yeux fermés (ou plutôt les oreilles !)

(1882-1977), chef d'orchestre exceptionnellement célèbre, né à Londres dit-on de père polonais et de mère irlandaise, ne fut pas exclusivement l'homme d'un film, d'un dessin animé ou d'une toccata, mais un musicien original, extraordinairement doué, et qui a rendu à la musique contemporaine des services incomparables. Il fera de l'Orchestre de Philadelphie, de 1912 à 1938, l'une des plus prestigieuses formations américaines, modelant notamment cette sonorité chaleureuse et spectaculaire si typique qui sera sa signature, précédant Karajan dans la même démarche. Au cours de sa longue carrière, il dirigera plus de deux mille créations ou premières auditions américaines, révélant notamment l'œuvre de Charles Ives, sous l'impulsion de Bernard Herrmann. Pionnier dans de nombreux domaines et très au courant de l'enregistrement sonore, Stokowski réalise une impressionnante quantité de disques 78 tours dont il est tout autant le musicien modulateur que le chef d'orchestre, et qui seront toujours à la pointe de la technique de l'époque, servant son idéal et son enthousiasme à faire connaître la musique à tous.

Il n'est évidemment pas question de commenter en ces colonnes les interprétations jamais médiocres et toujours intéressantes des œuvres rassemblées en ce coffret Membran, vu leur liste imposante. Toutefois, du côté de la qualité sonore, on peut se demander si le label allemand a vraiment rendu justice au chef d'orchestre qui, en l'occurrence, n'apparaît vraiment pas comme le père de la haute-fidélité. La politique de Membran est de proposer en coffrets de dix disques un vaste aperçu de la production d'un musicien. Malheureusement, Membran ne réalise jamais un travail de nettoyage au départ des sources originales en 78 tours, mais bien à partir de microsillons ou CDs déjà existants et, parfois, déjà traités : Membran pense alors bien faire en appliquant simplement de manière drastique une réduction du bruit de fond. Lorsque la source utilisée consiste en CDs qui ont eux-mêmes été le sujet d'un traitement adéquat, alors, évidemment, le résultat peut se révéler assez correct, même si dans certains cas, on a l'impression d'entendre un marimba ou un vibraphone dans le lointain (Bach) !… Mais quand la source est constituée de mauvais CDs ou de médiocres microsillons (dont certains en fausse stéréophonie et réverbération ajoutée, comme Casse-Noisette et Finlandia !) alors, le résultat ne peut être que franchement inaudible, témoin cette Symphonie du Nouveau Monde qu'on a filtrée mais sans enlever tous les crépitements, ce qui rend ces derniers encore plus à l'avant-plan… Par ailleurs, on aurait pu s'abstenir (et les remplacer) des œuvres proposées en extraits, notamment Le Poème du Feu et le Prélude des Gurrelieder, d'une brutale interruption.

Mais il y a malgré tout de bonnes choses : les disques entièrement consacrés à Tchaïkovski et Wagner sont bons et peu filtrés, ainsi que les Stravinsky. Les qualités artistique et technique de la Symphonie n°9 de Beethoven (enregistrée le 30 avril 1934) sont excellentes, tenant compte de timbales bien lointaines, et des parties chantées … en anglais !

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