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Les fantaisies du prince de Ferrare

Ecrit pour le clavier et publié à Milan en 1608, cet « art de la fantaisie » est l'aboutissement d'un style magnifié par , compositeur né à Ferrare, et devenu par son génie, l'organiste du pape à Saint- Pierre de Rome au début du XVIIe siècle. Tout l'art du ricercare antico développé par Cavazzoni, Merulo, ou Gabrieli, se retrouve ici, développé et synthétisé en une espèce de confondante perfection. Le nom de fantaisie ne doit pas faire illusion : tout est ici parfaitement construit et ordonné, même si une grande liberté dans le traitement du contrepoint demeure, pour le bonheur de l'oreille : là est la véritable fantaisie ! Frescobaldi propose un catalogue de pièces dans les douze modes (ou tons ecclésiastiques), amplifiant son discours par l'usage de sujets de plus en plus nombreux au fur et à mesure de l'avancement du recueil : quatre séries de trois fantaisies de un à quatre sujets : agencement solide, savant, logique dans la construction du contrepoint. Nous avons là ce que l'auteur a écrit de plus complexe, en regard des fiori musicali, ou des livres de toccate, plus spontanément abordables pour nos oreilles modernes.

Le choix du clavier (clavecin ?) reste libre, mais l'orgue, par ses possibilités de timbres et de dynamique, semble s'imposer pour apporter un maximum de variété au sein des ces discours complexes. Ces œuvres, très vocales semblent résolument destinées à cet instrument dont l'émission même, se rapproche tout à fait de la voix, notamment le son continu, indispensable aux valeurs longues contenues dans cette musique. Le choix d'un orgue historique et contemporain du recueil est parfait : l'Italie est riche encore d'instruments préservés depuis le XVIe siècle (un véritable miracle). Bologne possède un patrimoine exceptionnel à ce niveau : les deux merveilles de la basilique San Petronio, remontant même au XVe siècle, et qui résonnèrent pour le sacre de Charles Quint, sont toujours là, produisant un son profond et vocal, dans une immense et étourdissante acoustique. Il en va de même pour la basilique San Martino, où un orgue de 1556 construit par Giovanni Cipri trône dans le chœur.

, a choisi ce dernier, et sait le faire sonner par un toucher subtil, proche de celui du clavecin, et un assemblage de jeux, privilégiant la couleur, pour mieux nous faire comprendre et apprécier ce savant discours.

A l'écoute de ce cycle, on ne peut s'empêcher de penser à un certain Johann Sebastian Bach, lui aussi attiré par cet exercice contrapuntique de haut vol, et proposant un certain « art de la fugue ». Même démarche de synthétisation des styles anciens, contemporains et à venir, libre choix de l'instrument, intensification des difficultés au fur et à mesure des contrepoints, Bach fait germer toutes ces graines parsemées dans l'histoire de la musique : les fantaisies de Frescobaldi ne lui furent pas étrangères, et furent sans doute pour lui, un ferment précieux pour son inspiration dans l'art du contrepoint.

Cet enregistrement des fantaisies de Frescobaldi s'inscrit dans une intégrale consacrée par Tactus, à cet auteur qui reste le plus grand maître du clavier dans cette Italie de la renaissance et des débuts du baroque.

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