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Roger Muraro en toute intimité

Imaginez une soirée entre amis où l'un des grands noms français du piano s'inviterait « chez vous » … Quelques privilégiés ont vécu cette expérience dans le cadre des Moments Musicaux de Notre-Dame, rendez- vous incontournable du calendrier culturel Phocéen et organisé dans sa spacieuse résidence par Christiane Berlandini-Laurent, (pianiste, pédagogue et ancienne élève de Pierre Barbizet).

Après Akiko Ebi le mois dernier, c'est ainsi au tour de de faire l'honneur de sa présence. Avec décontraction et simplicité, il nous explique d'emblée le fil conducteur d'un programme qu'il a voulu « éclater » et qui s'inscrit dans la célébration du Centenaire de la naissance d'Olivier Messiaen. Un récital autour de plusieurs compositeurs, les pères et les fils de son Maître. En hors d'œuvre, « A vous dirais-je Maman » de Mozart. Loin des mielleuses versions traditionnelles, ces variations auront du mal à trouver leur place avec ce qui suivra malgré un caractère décidé et martial et ce malicieux rapprochement avec les 12 notations de Boulez. Juste le temps pour le concertiste d'apprivoiser le lieu, l'instrument et d'oublier la fatigue bien compréhensible dès lors qu'on connaît son agenda- marathon !

Sous ses longs doigts élégants, les Notations, déroutantes de complexité, retiennent toute notre attention et en deviennent accessibles. Le niveau gagne d'un ton avec le « deuxième cycle » de ce récital. Trois pièces suivent : Debussy, Chopin et Messiaen tour à tour enchaînés avec fluidité, l'une répondant presqu'à l'autre ou prolongeant les sensations diffuses. Les ondes sont sous nos pieds, le ciel s'ouvre et nous pénétrons un univers de couleurs frémissantes. Si le timbre est velouté et perlé dans le cristallin, Reflets dans l'eau, extrait du premier livre des Images de Debussy il est davantage imprécis dans la Barcarolle de Chopin. Envisagée sans sentimentalisme ni de grand arc dans la construction, cette version fit davantage ressortir le caractère brillant de la fin du morceau. Il retrouve son répertoire de prédilection dans le baiser de l'Enfant Jésus, cathédrale abstraite d'accords empreinte de religiosité.

Après le court entracte, un extrait du catalogue des oiseaux, le Loriot. Le tonal superposé à l'atonal, créent une chorale de pépiements plus vraie que nature. Pour finir, le sommet de la soirée avec les deux Légendes de Liszt dont la seconde, moment mystique où le temps s'arrête. Main gauche intense dans des traits d'une rare égalité, geste juste dans les moindres détails. Deux bis généreux viendront clore cette merveilleuse rencontre. Debussy avec Hommage à Rameau et Au bord d'une source de Liszt. Variété du son, images évocatrices. Un festival de « poésie » sous les doigts d'un prince du clavier.

Crédit photographique © Bertrand Desprez

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