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Anne Gastinel, heureux flash Bach

Si les six Suites pour violoncelle seul sont incontournables pour tout violoncellistes, les jouer régulièrement fait partie d'une hygiène de vie, une sorte de mise en condition bien plus agréable que des gammes répétitives qui s'avèrent de plus bien moins harmonieuses.

En jouer un mouvement de temps en temps en bis d'un concert est devenu assez courant mais les donner en entier en concert est déjà plus rare – généralement données en deux concerts – comme un petit marathon. Ces œuvres ont la particularité de donner toute l'expression de l'interprète, certaines versions ont pu nous paraître trop athlétiques, trop rapides, trop lyriques, trop molles ou encore soporifiques …

Il est logique que les graver pour l'éternité devienne une opération presque mystique et dans tout les cas athlétique. Le musicien rentre dans une période de gestation qui devient l'événement majeur de sa vie. Son entourage est au petit soin pour cet interprète qui « ose ». Il ne faut pas déranger l'artiste, qui rentre dans une sorte de monde parallèle le plaçant en osmose avec le grand Maître J. S. Bach. Les copies les plus anciennes ne comportent aucune information d'ornementation ou de coup d'archet, ainsi l'interprète devient le Maître. Il faut dire que les plus illustres ont attendu d'avoir passé la cinquantaine pour les graver et les fantômes des Casals, Navarra, ou Tortelier ou encore Rostropovitch restent bien présents dans la mémoire de tous les mélomanes, sans parler de tous ceux qui sont bien vivants et encore dans les catalogues des labels.

Ce qui fera la différence d'une version à une autre n'est plus la qualité incontestée du musicien, mais bien l'état d'esprit dans lequel à ce moment précis le musicien décide de les enregistrer en public ou en studio, au milieu du désert ou peut-être un jour sur la lune, pourquoi pas.

n'a pas voulu attendre trop longtemps – tout comme Jean-Guihen Queyras qui vient aussi de les graver – et avoir encore un petit peu d'inconscience pour oser les enregistrer ? Pour l'anecdote, après avoir eu la chance de jouer sur le Matteo Goffriller de Pablo Casals durant trois ans prêté par Marta Casals Istomin, a rencontré un violoncelle de Carlo Giuseppe Testore de 1690 – prêté par le Fond Instrumental Français * – qu'elle considère maintenant comme un membre de sa famille rebaptisé Testorino.

ose et ose sacrément bien gravir cet Everest. Tout comme elle cette version a du caractère, il y transparaît beaucoup de sa personnalité sans mièvrerie ni rudesse sachant rester tendre et passionnée.

*Fond Instrumental Français : Le F. I. F est une association à but non-lucratif, qui a pour vocation exclusive de prêter des instruments à cordes de qualité à des musiciens en fin d'études ou déjà entrés dans une carrière professionnelle pour une durée précise. Avant Mars 1994, la France était un des rares pays occidentaux à ne pas disposer d'un fonds instrumental, privé ou public, accessible aux musiciens.

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