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On se lève tous pour Danel !

Coup d'envoi de la première intégrale des quatuors de Mieczyslaw Weinberg, interprétée par le , CPO publie les Quatuors n°4 et n°16. Composés respectivement en 1944 et 1981, le quatuor « de guerre » n'est pas nécessairement celui que l'on croit.

Placé entre le Quintette pour piano op. 18 et le Trio pour piano, violon et violoncelle op. 24, le Quatuor n°4 op. 20 en partage la veine lyrique et dramatique. L'esthétique est proche de celle défendue par Chostakovitch à la même époque : à l'approche de l'écrasement définitif du nazisme et faute de pouvoir mettre un terme au stalinisme, les souffrances accumulées par les peuples et synthétisées par ces artistes génèrent des œuvres à la ferveur mêlée d'une amertume distanciée, d'un espoir au poing rageur. Quatre décennies plus tard, en 1981, le Quatuor n°16 est l'avant-dernier du corpus composé par Weinberg, et il a pour dédicataire Ester, sa sœur. L'année de la composition, celle-ci aurait eu soixante ans, si elle n'avait pas été déportée et assassinée avec ses parents dans les camps d'extermination. En dépit de cette dédicace empreinte de douleur, le quatuor n'a pas le caractère de musique à programme, du moins en apparence. Point de lyrisme, le langage est tendu voire raide, le discours part dans des digressions sans logique apparente, et le tout finit dans une teinte incertaine. Les émotions sont enfouies mais bien présentes, peut-être plus qu'en 1944. Simplement elles sont dissimulées sous le masque d'un visage émacié, celui du compositeur éprouvé par son exil de la Pologne, la disparition de sa famille dans les camps, la prison dans les dernières années staliniennes, et la perte de ses amis Chostakovitch et Britten en 1975 et 1976.

Le Quatuor Danel a appris son art auprès des grands maîtres russes qui ont connus et travaillés avec ces compositeurs, et particulièrement le Quatuor Borodine, créateur du Quatuor n°16. Intenses, souples dans le Quatuor n°4, les Danel abordent frontalement la sévérité abrupte du Quatuor n°16 par un jeu intensément blanc, sans expression. C'est ainsi que, paradoxalement, la charge émotionnelle est transmise à l'auditeur par une absence de coloration de l'interprétation. Ce n'est pas l'option la plus confortable pour l'auditeur, mais c'est la plus directe, d'une intégrité artistique parfaite. On attend la suite de l'intégrale avec impatience.

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