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Jiří Bělohlávek nous emporte dans Les aventures de M. Brouček

Deutsche Grammophon frappe un grand coup avec un disque que personne n'attendait.

Fruit d'une version de concert donnée à Londres en février 2007, cet enregistrement pris sur le vif nous permet de redécouvrir un opéra qui, à l'image de nombreux mélomanes, ne nous avait jamais frappé et dont les quelques versions disponibles végétaient sur les étagères de nos discothèques. Composé juste avant Katia Kabanova, Les aventures de Monsieur Brouček, ne s'est jamais imposé au répertoire et ses représentations restent très rares (coïncidence heureuse, le Grand théâtre de Genève en proposera bientôt une nouvelle production). Il faut dire que la genèse de l'œuvre fut des plus complexes. Ainsi, l'opéra fut créé à Brno en 1920 alors que le compositeur avait témoigné de son intérêt pour le roman de Svatopluk Čech intitulé la véritable excursion de Monsieur Brouček sur la lune dès sa publication en 1888. Souvent occupé par d'autres travaux ou insatisfait de ses librettistes, le compositeur remit plusieurs fois l'œuvre sur le métier. L'histoire qui narre, avec humour et dérision, les aventures de Brouček, un débauché imbibé de bière qui se promène à travers l'espace (la lune) et le temps (Prague au XVe siècle), n'est pas des plus simples à comprendre si l'on n'est pas en phase avec l'esprit slave ou les références historiques. Mais, par la variété de ses climats, sa richesse mélodique mêlant finesse et truculence, cette partition est incontestablement du grand Janacek.

Le principal artisan de cette réussite est le grand chef d'orchestre Jiří Bělohlávek à la tête de son orchestre de la BBC qui dirige avec un grand soin apporté à la tension dramatique. Son travail associe l'élan et l'attention aux détails. Les couleurs assez mates et la perfection technique des instrumentistes anglais contribuent à notre bonheur auditif.

La distribution, essentiellement composée de chanteurs tchèques, est particulièrement convaincante. Certes, on pourra toujours trouver des formats vocaux et des timbres plus soyeux et enjôleurs, mais le vécu linguistique et dramatique s'avère absolument confondants de vérité et d'humanité et il découle de ce plateau une véritable unité qui vire à la vague dévastatrice. Les interventions des sont soignées et précises.

La captation de concert rend justice à la richesse des timbres et des couleurs de la partition. En conclusion, cette version prend aisément, pour des raisons techniques et musicales, le sommet d'une discographie où il faut saluer les témoignages conduits par Neumann (Supraphon), Jilek (Supraphon) et dans une certaine mesure le peu idiomatique Keilberth (Orfeo) capté en 1959 lors de la création allemande de l'ouvrage à Munich.

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