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Mūza Rubackyté, la Muse du clair-obscur

Pianiste lituanienne formée au conservatoire Tchaïkovski de Moscou, est apparue sur la scène occidentale après 1989, date à laquelle elle pu enfin bénéficier d'un passeport et quitter l'URSS. Elle livre dans ce concert enregistré au Théâtre National de Marseille, un programme intimiste, sorte de voyage introspectif entre ombre et lumière.

Après la Suite française n°1 de Bach, une Fantaisie nous plonge dans un univers où le lyrisme, certes très mesuré, guide la lecture du texte. Taillées dans le clair obscur, les atmosphères sont lourdes de silence et de sens. Le spectre sonore d'un orgue les irradie de majesté. S'installe alors une simplicité, déroutante de mystère et d'intensité dramatique, qui captive sans compromis.

Et captivés, nous le sommes, pour mieux pénétrer les délices de la Chaconne transcrite par Busoni. Aux majestueuses sonorités « organiques » s'associent, de manière très surprenante, celles, sous latentes, du violon. Sans doute est-ce le détaché, la respiration ou le phrasé qui donnent à cette interprétation une véracité violonistique qui émeut, à juste titre.

Toujours plus haut vers la lumière nous mène l'avant-dernière sonate de Beethoven. y confirme dès le premier mouvement, ce qui a été dévoilé dans Bach : intensité dramatique dans les pianissimi, souplesse du phrasé, maîtrise de la rupture des atmosphères et sciences des plans sonores. Le second mouvement apparaît un peu scolaire, mais le dernier mouvement allie parfaitement la langueur dubitative à la rigueur solennelle imposée par la fugue. Le retour du thème de la fugue inversé parachève un moment culminant de cette interprétation.

Les 32 variations de Beethoven et la transcription du Roi des Aulnes par Liszt clôturent le parcours dans une virtuosité accrue où l'artiste s'affirme aussi bonne technicienne que musicienne. Si le confort d'écoute n'en pâtit pas, il n'en demeure pas moins que la qualité de l'enregistrement laisse à désirer. Car s'il détaille les nuances, il étouffe parfois les reliefs. Toutefois, la qualité technique de la performance rachète à elle seule cette faiblesse.

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