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Classiquissime Muti

C'est en 1980 que donna son premier concert avec le National, auquel il est depuis resté fidèle, même lors des périodes moins fastes de l'orchestre numéro un de la radio française. Il avoue volontiers considérer cette formation comme « son » orchestre lorsqu'il est en France, ajoutant y avoir toujours trouvé de grandes satisfactions musicales. Ainsi ce nouveau concert du chef napolitain à la tête du National relevait à la fois de la tradition et de l'événement, d'autant qu'il n'est pas si courrant d'entendre deux symphonies de Haydn dans le même concert, ou une œuvre de Salieri. Et si les Haydn ne comptent pas parmi les plus célèbres, encore moins le Salieri, seul la Symphonie n°25 de Mozart était bien plus connue, et sans doute le moment le plus attendu du public parisien.

Le moins qu'on puisse dire est que, dans le répertoire qui nous intéresse ce soir, ne s'est pas laissé charmé par les sirènes du baroque et qu'il est resté fidèle à un certain classicisme de bon ton, auquel il a apporté sa propre personnalité. Pas de structure allégée mais une ampleur symphonique assumée et adaptée, pas de staccato systématique mais des archets jouant à plein, pas de tempo hystérique ni de soufflet intempestif. Mais toujours un très bel équilibre sonore qui jamais ne mélange les lignes, respecte les plans, permet à chaque intervention soliste de chanter dans la pure tradition italienne (« canta ! canta ! » comme aurait dit le vieux Toscanini) dans un tempo choisi justement pour faciliter ce type d'expression. Ce qu'a parfaitement réussi ce soir, un impeccable, fruité et dynamique National. Et, ou « mais », comme son illustre prédécesseur italien, une certaine propension à donner une allure virile, parfois un peu raide voire rude, manquant un tantinet de variété dans les répétitions, que ce soit lors de motifs répétés consécutivement ou lors des reprises de la traditionnelle forme sonate. Ainsi a-t-on eu le sentiment que tout était donné dès le début du mouvement (d'autant que la traditionnelle introduction lente des premiers mouvements n'était pas vraiment de la partie dans les œuvres choisies ce soir) et qu'on avait du mal à monter d'un cran à l'intérieur de chaque mouvement, en particulier dans les mouvements extrêmes, comme le final de la Symphonie n°25 qui tirait un peu en longueur.

Un peu plus de souplesse dans la conception aurait apporté aux Haydn et Mozart le surplus d'expression qui, d'impeccable exécution, les aurait mués en mémorable interprétation. Par contre, il n'y avait rien à redire sur la reconstitution des onze pièces de ballet pour l'opéra L'Europa Riconosciuta de Salieri, ceux-ci ne posant pas le même type de problème, sans doute du fait de la brièveté et de la forme « entracte » de chaque pièce. L'interprétation de Muti y était remarquable, probablement une des meilleures qu'on puisse entendre aujourd'hui. On put y admirer la science d'écriture de Salieri plus que son inspiration, mais n'oublions pas qu'il ne s'agit que « d'entractes » qui n'ont pas la même ambition musicale que les symphonies qu'ils côtoyaient ce soir. La réussite formelle de l'interprétation y était sans doute plus parfaite que pour Haydn et Mozart, l'écoute fort plaisante, mais l'intérêt musical évidemment moindre.

Crédit photographique : ©DR

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