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Edison et le disque

En 2000, Ward Marston avait publié sur son label (Marston 52025-2) une série de transferts de cylindres Edison datant de 1912-13 et faisant partie de plusieurs centaines de cylindres conservés précieusement au Site Historique National Edison.

Ces cylindres constituent non seulement les seuls exemples enregistrés de certains chanteurs européens de l'époque, mais font aussi partie des gravures acoustiques les plus réalistes jamais réalisées. Plus récemment, le label français Malibran avait produit un album de deux disques consacrés aux cylindres Edison français standard « deux minutes » (Malibran CDRG187), confirmant la qualité remarquable des enregistrements acoustiques du grand inventeur.

Mais cette fois, Marston ambitionne un vaste projet, celui de mettre à la disposition du public, en plusieurs volumes de deux CDs, un maximum de disques Edison qui, comme les cylindres, sont des tests sonores d'enregistrements ayant été très peu écoutés, et probablement la dernière fois par Edison lui-même, avant de tomber dans l'oubli : on sait que Edison avait des goûts musicaux fort particuliers et sévères, dictés probablement par sa surdité (la photo du CD le montrant à l'écoute, la main sur l'oreille, en est particulièrement émouvante), non seulement vis-à-vis des chanteurs dont il acceptait difficilement le moindre vibrato, mais aussi concernant les ensembles d'accompagnement, et sur les 1000 premières gravures accomplies par Edison, seules 25 trouvèrent grâce à ses oreilles et furent publiées !

Fidèle au cylindre qu'il avait créé, Edison se mit tard (en 1910) au disque inventé une vingtaine d'années plus tôt par Emile Berliner, et garda obstinément le procédé acoustique de gravure verticale, le rendant peu compétitif envers ses concurrents qui dès 1925 adoptèrent le système électrique. Résultat, en octobre 1929, la division disque de la firme Edison fut déclarée irrévocablement « out of business »…

Comme on peut le voir, la liste des chanteurs ressuscités par Marston est impressionnante, et bien que la plupart sont actuellement oubliés du grand public, certains noms évoquent encore de glorieux moments historiques du chant, tels que les sopranos Lucrezia Bori, , Frieda Hempel, Lucette Korsoff ; la mezzo-soprano Margarete Matzenauer ; les ténors Valentin Jaume, Fritz Vogelstrom ; la basse Dinh Gilly. Le répertoire enregistré à cette époque était constitué d'airs d'opéras traditionnels, surtout italiens (Verdi et les véristes), mais on y trouve également les habituels Auber, Bizet, Gounod ou Thomas, sans compter Gluck, Händel et Wagner.

Si, en ses habituels transferts immaculés, Marston mène à bien son ambitieux projet de publier toute la série des volumes Edison, il aura sauvé de la destruction tout un vaste pan non seulement de l'histoire du disque, mais également du chant du début du XXe siècle.

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