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Messiaen et le gentleman anglais

Pour ses débuts à la tête de la philharmonie de Berlin, le chef néerlandais se présentait dans un programme sans compromis qu'il affectionne tout particulièrement.

Sa réputation s'étant construite à travers les musiques modernes et contemporaines, il n'était pas du genre à afficher une pièce médiatique pour rassurer l'audience. Fidélité du public à son orchestre, intérêt pour la musique contemporaine ou curiosité, le public berlinois avait répondu présent en grande masse pour occuper toutes les travées de la philharmonie et faire une fête aux interprètes.

Alors qu'on lit à travers la presse, des commentaires désobligeants sur le travail de Simon Rattle et sur une prétendue baisse de niveau de l'illustre orchestre, entendre la phalange dans sa salle reste une expérience auditive peu commune. L'incroyable virtuosité et maîtrise techniques des instrumentistes, la chaleur et l'homogénéité des cordes font que cet orchestre reste une formidable machine à jouer capable de se fondre dans des styles aussi différents que ceux de Varèse, Stravinsky, Messiaen et Harvey !

La précision du geste du chef et son amour de la musique de son temps font le reste de la magie et les musiciens nous servirent un menu de luxe. Dans Intégrales de Varèse, de Leeuw déploie des sortilèges sonores faisant ressortir la violence éruptive de cette musique et ses contrastes. Les différents traits des solistes sont des enchantements à l'image du hautbois d'Albrecht Mayer qui parvient à tirer les moindres nuances de son instrument. Dans le concerto pour piano et vents, (dont la ressemblance avec son père est de plus en plus flagrante avec le temps !) se met au diapason des musiciens pour faire ressortir toute l'énergie et la motorique de la partition : c'est carré, brillant et gorgé de couleurs et donc c'est parfait !

Mais le grand moment de la soirée fut sans contexte la création de Messages de fruit d'une commande du philharmonique de Berlin et de la Semaine de musique religieuse de Cuenca. De près d'une vingtaine de minutes, cette partition témoigne d'une grande finesse d'écriture vocale et instrumentale alors que l'impact émotionnel, très retenu dans ses effets, s'avère très fort. Cette partition, tel un souffle ou parfois un râle, explore les limites du son. La performance du Rundfunkchor de Berlin force l'admiration par l'homogénéité des voix et la capacité à chanter aux limites des pianissimi.

Après la pause, , Dominique Kim, les voix féminines et les cordes de l'orchestre se lancent à l'assaut des trois petites liturgies de la Présence Divine de Messiaen. Très ciselée, l'interprétation du chef met l'accent sur la luminosité et la ferveur de cette musique. Cette piété simple mais efficace ouvre un abîme de couleurs suggestives.

Crédit photographique : © DR

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