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Sergey et Lusine Khachatryan, petite flamme deviendra grande

Déroutante couverture que celle des sonates de Franck et Chostakovitch enregistrées par Sergey et , dans laquelle le violoniste, lauréat de concours Reine Elisabeth en 2005, regarde sa partition s'embraser. Symbole d'un tempérament comme d'un répertoire qui fait appel au feu intérieur de tout violoniste, cette flamme est également celle de la destruction. Un périple teinté d'ambivalence…

Dédiée à Ysaÿe, la sonate pour violon et piano de Franck (1886) et une œuvre de la haute maturité et fait partie du répertoire incontournable de cette formation. Avec une version cohérente et personnelle, les Khachatryan (frère et sœur) se sont taillés une place méritée parmi les enregistrements préexistants. Dans l'ensemble, l'accompagnement instaure avec élégance un climat recueilli dans lequel s'élève une mélodie exaltée mais pudique. Apogée d'une esthétique quasi Symboliste, le troisième mouvement, Recitativo fantasia, prend une teinte mélancolique, presque tourmentée et préfigure les grandes cadences de Chostakovitch. Dans les passages les plus intenses comme dans ceux plus éthérés, se révèlent la complicité et la complémentarité des deux musiciens avec un parfait ajustement des timbres, des nuances et des intentions. Le piano, distingué et généreux, créé un cadre mature et réceptif dans lequel la fougue du violoniste s'épanouit avec une fébrilité juvénile.

Fruit, tout comme la sonate de , de la dernière période créatrice du compositeur, la sonate op. 134 de (1968) est dédiée à David Oïstrakh. Elle exemplifie la tentative de synthèse entre le dodécaphonisme et la tonalité que le compositeur mène également dans le Quatuor n°12. Le calme de la longue méditation, grinçante, qui constitue le premier mouvement est rendu avec une application méthodique qui laisse présager la tempête. Parfois les phrases s'éteignent un peu trop vite dans les pianissimi mais elles ne perdent jamais leur feu intérieur. Les deux protagonistes sombrent avec délectation dans le second mouvement, orageux et brutal. A 23 et 25 ans, ce duo familial a su s'approprier la verve d'un compositeur complexe, tourmenté qui se débat avec la tonalité comme pour échapper à la fatalité. Un répertoire que Sergey et maîtrisent avec un art consommé.

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