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Louis Vierne hors Cavaillé-Coll

Depuis la reconstruction de la Frauenkirche de Dresde entreprise au début des années 2000, ce lieu ne cesse de devenir incontournable en matière de musique. Reconstituer pour la première fois au monde et à l'identique une église baroque d'importance tient du miracle. Mise à bas par les bombardements alliés de Février 1945, cette église était un modèle d'architecture de forme circulaire assez unique en son genre. Sa disposition originale avec ses nombreuses tribunes et loges évoquait un théâtre.

Aujourd'hui, tout est ressuscité, y compris l'orgue de Gottfried Silbermann à trois claviers qui avait péri lui aussi, et que Bach avait joué en son temps. D'ailleurs, un enregistrement de l'ancien orgue existe touché par l'organiste de l'époque et capté par la radio de Berlin, un an avant le désastre. Il donne une idée de ce que fût cet instrument initial déjà remanié depuis le XVIIIe siècle. Reprenant exactement la disposition d'origine dans le buffet reconstruit d'après les nombreuses photos existantes de l'ancien, le facteur d'orgue alsacien Daniel Kern a été choisi pour sa compétence, et surtout sa connaissance de la facture ancienne de cette grande dynastie de facteurs installés en Alsace et en Saxe. Cependant, et pour élargir le répertoire destiné à cet instrument, il a doté le nouvel orgue d'un quatrième clavier expressif d'esthétique symphonique «alla Cavaillé-Coll», et augmenté le plan de pédale de quelques jeux supplémentaires afin d'équilibrer l'ensemble. Le résultat est à la hauteur de l'attente : splendide !

Après un premier CD consacré à Bach et à Duruflé, , jeune titulaire de ce nouvel orgue nous comble à nouveau de plaisir avec un programme audacieux consacré à , l'organiste de Notre-Dame de Paris durant le premier tiers du XXe siècle. Cette musique conçue pour la cathédrale parisienne, garde ici toute son âme : une acoustique large et profonde évoque le grand vaisseau. Les timbres choisis, grâce à l'aide de ce fameux clavier nouveau, permettent une approche juste de cette musique. Il faut vraiment savoir à l'audition que nous avons quitté l'univers de Cavaillé-Coll, l'illusion est parfaite. Le jeu de est net, précis, sobre, j'allais dire classique, mais jamais dénué d'inspiration. Les tempi sont alertes, les adagios bien assis dans de solides registrations de jeux de fonds, bien demandées par l'auteur. Quelques codas de mouvements rapides sont un peu écourtées, l'accord final aurait mérité un peu plus de longueur pour rassasier l'auditeur sur ce roulement de timbales matérialisé par le contrafagott de 32 pieds. Mais c'est bien peu de chose, au regard d'une version pleinement réussie de deux symphonies, apogée de la musique d'orgue en France au début du XXe siècle. Le pari est gagné, bravo !

Notons enfin que le label Carus édite toute une série de Cds enregistrés en ce lieu magique, musique orchestrale et vocale, et que le présent enregistrement se base sur une nouvelle édition des œuvres de Vierne dirigée par David Sanger et éditée par Carus.

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