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Beethoven peut-il être clair et lumineux ?

Etrange choix d'œuvres pour cet enregistrement consacré à Beethoven. Les Variations sur le duo « La Stessa, La Stessissima » WoO 73, fort peu jouées, côtoient l'incontournable et célébrissime « Appassionata ». Si l'on en croit le livret, a choisi d'interpréter trois œuvres qui illustrent l'évolution stylistique du compositeur : les variations ont été composées en 1799, la sonate n°23 op. 57 en 1805 et les Six bagatelles op. 126 en 1824. La pianiste s'inscrit donc dans une démarche raisonnable et rationnelle. Malheureusement, son interprétation traduit la même volonté. Où est donc passée la qui avait tant séduit dans Chostakovitch ? Visiblement, Beethoven lui réussit moins bien.

Janvier 1799 voit la création à Vienne de Falstaff de Salieri. L'air « La Stessa, la Stessissima » était alors sur toutes les lèvres, et Beethoven s'en empare pour écrire une série de variations sans prétention, un simple jeu de style autour d'une mélodie en vogue. Si l'anecdote et l'écriture sont amusantes, on peut comprendre que cette œuvre ne fasse pas le poids face aux monuments pour piano du compositeur et soit rapidement tombée dans l'oubli. Cet enregistrement a le mérite de nous le faire connaître, mais – cela tient-il à la partition en elle-même ou à son interprétation ? – ne convainc pas vraiment.

Si l'on peut accorder à cette première œuvre le bénéfice du doute, les deux suivantes – la sonate « Appassionata » et, dans une moindre mesure, les Six bagatelles op. 126 – sont des œuvres du grand répertoire, dont la richesse et la profondeur ne sont plus à prouver. fait preuve d'un style très perlé, étincelant, dynamique et léger … très classique. Pour défendre un tel choix d'interprétation, il aurait fallu une précision impeccable à la fois dans les quelques traits et dans la mise en valeur des lignes mélodiques. Or le jeu est parfois bousculé, irrégulier, et, surtout, l'analyse est trop souvent déroutante. Si certains mouvements prennent un relief très agréable et intéressant, ceux qui appelaient plus de profondeur sont décevants. Où sont donc passés ces chants magnifiques de la main gauche ? Ils sont camouflés derrière une ornementation de la main droite qui devient envahissante. De même lorsque l'on attend de voir émerger une mélodie intense d'accords arpégés : chaque note de l'arpège est ici mise en valeur, ne laissant que pressentir un chant mais refusant de le laisser éclore. Les passages plus violents deviennent quant à eux parfois trop durs.

Plamena Mangova a fait le choix de la clarté et de l'équilibre pour cet enregistrement. Le résultat est très agréable dans de nombreux passages, mais au bout du compte, on en ressort frustré, privé de la profondeur et de la fougue de la musique pour piano de Beethoven.

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