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Frank Martin par Christian Poltéra, mais pourquoi est-ce si beau ?

Habitués à en écouter au quotidien depuis bien longtemps, on en oublie à quel point un enregistrement est un objet magique.

Comme pour un concert, sa réussite ne dépend pas seulement des interprètes ou du choix des œuvres : elle est le résultat d'une adéquation parfaite entre l'univers du compositeur et des œuvres, les interprètes et leurs instruments, la prise de son … On l'oublie et ne s'en souvient finalement que dans deux cas : lorsque l'un de ces paramètres est totalement défectueux, ou, au contraire, lorsque cette alchimie parfaite est tellement réussie que l'on ne peut qu'être envoûté, sans pouvoir dire à quoi tient cet envoûtement. C'est le cas de ce CD, justement intitulé « plays ». Est-ce un enregistrement consacré au compositeur ou au violoncelliste ? Ni l'un ni l'autre : c'est la soigneuse captation de la rencontre parfaite entre et les interprètes – n'oublions pas le Malmö Symphony Orchestra, dirigé par , et le piano de .

Mais à quoi donc tient ce miracle musical ? Tout d'abord à l'écriture de . Contemporain de Stravinsky et Schœnberg, il s'est essayé au dodécaphonisme pur, mais s'en est finalement éloigné pour en faire un outil mélodique supplémentaire au service de son univers riche et intense. Le concerto pour violoncelle et orchestre évoque tour à tour l'univers de Malher, Berg, Stravinsky, parfois même Prokofiev. Les dissonances créent une pâte sonore très dense, qui alterne avec des lignes très épurées. On passe sans transition de l'émotion intérieure au lyrisme exacerbé, de mélodies très chantantes à une écriture fondée sur le rythme. On se perd dans tous ces changements de climats et on se laisse transporter avec délectation. Que ce soit dans le concerto pour violoncelle et orchestre, la ballade pour violoncelle et piano ou les 8 préludes pour piano, on ne peut s'empêcher de penser à l'Europe de l'Est et au monde tzigane. Non pas rationnellement mais plutôt à cause des stéréotypes que nous avons tous en tête sur ces univers : un mélange de mélancolie et de grande vitalité, de couleurs éclatantes et de noirceur.

A travers chacune des œuvres de cet enregistrement, Frank Martin met en valeur et exploite magnifiquement les timbres des instruments et leurs diverses possibilités, que ce soit pour les passages solistes du violoncelle, l'orchestre symphonique, le duo violoncelle/piano ou le piano seul. Le tout est servi par des interprètes hors pair, qui démontrent une complicité musicale extraordinaire, au point que dans la ballade pour violoncelle et piano on confond parfois les timbres des deux instruments.

Inutile finalement de chercher les raisons de la réussite de ce CD, inutile de le disséquer plus longtemps : la réalité est au-delà de l'analyse et des explications, il suffit juste d'écouter encore, et encore, et encore …

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