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Un Orfeo ed Euridice d’une santé vocale désarmante

Effectué en 1966, cet enregistrement de Orfeo ed Euridice est un reflet assez fidèle de la version originale viennoise de 1762, celle créée par le célèbre castrat Gaetano Guadagni.

Confiée à une mezzo-soprano, , cette version prend le parti pris inverse de nombre d'enregistrements plus récents qui ont été chantés par un contre-ténor ; au nombre de ces derniers, on pourra citer René Jacobs (1982), (1988), Michal Chance (1991) ou encore, dans les années 1990, . De même, l'orchestre conduit par sonnera résolument « moderne » pour tout auditeur habitué à des enregistrements plus « baroqueux »…

Et pourtant, le charme opère, la direction ample et noble du chef d'orchestre tchèque conférant à la musique de Gluck un ton de tragédie lyrique comme on n'en entendra plus que rarement. Et l'impression de masse sonore qui se dégage de ces deux CD n'enlève rien à la clarté du texte ou à la transparence instrumentale. Ecoutez par exemples les sublimes interventions des parties de flûte dans « Che puro ciel », et nul doute que vous vous sentirez aussitôt transporté aux Champs-élysées…

Sur le plan vocal, est un Orfeo d'une immense dignité, d'une grande noblesse de ton et surtout d'une santé éblouissante. Et qu'importe si une voix aussi richement timbrée, et au vibrato aussi large quoique parfaitement contrôlé, pourra difficilement faire croire à un héros masculin. Dans ce registre, l'androgynie vocale d'une Von Otter serait sans doute plus appropriée, même si la voix de la chanteuse suédoise possède moins d'harmoniques que celle de sa prestigieuse devancière, remarquable également par la beauté et l'imagination de sa déclamation. On pourra également trouver un peu trop fruité le timbre de Ruth-Margret Pütz en « Amore », la voix de cette chanteuse évoquant davantage la féminité épanouie de Vénus que le charme enfantin de Cupidon. , en revanche, est totalement crédible en Eurydice, grâce à sa magnifique caractérisation d'une femme belle et séduisante qui, par un cruel coup du destin, se sent tout d'un coup bafouée et humiliée.

Le chœur du Gewandhaus de Leipzig, très sollicité dans cette partition, contribue largement à la réussite de cet enregistrement, qui rappelle une fois encore qu'en matière de musique baroque, c'est avant tout le style, et non la présence de tel ou tel type d'instruments ou de tel registre vocal, qui garantit le succès de l'entreprise.

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