Longtemps assez absent des étals vidéographiques, Decca semble faire, ces derniers temps, un retour aux premiers plans avec quelques intéressantes productions qui apportent un plus au répertoire de l'opéra filmé.
En parallèle de l'édition d'un live du très oublié mais fascinant, Meurtre dans la cathédrale de Pizzetti, la firme anglaise se paye une zarzuela bien sympathique et menée tambour battant par des artistes convaincus.
Genre très espagnol, diffusé à l'international par les fleurons du chant hispanique, la zarzuela reste assez méconnue en terrain latin. Créée avec grand succès en 1884, Noche de Verano en la Verbena de la Paloma de Tomás Bretón, est une œuvre profondément madrilène dont l'action se déroule le jour de la fête de la vierge de la Paloma, la sainte patronne de la capitale espagnole. L'histoire est très simple : Julián, un imprimeur, est dévoré de jalousie car Susana, sa fiancée, fait du charme à Don Hilaríon, un boutiquier plus âgé qu'elle alors qu'elle cherche, en fait, à susciter l'attention de son fiancé. Assez naturaliste, la partition brosse le portrait du peuple de Madrid. Côté musique, Breton tisse une partition absolument merveilleuse avec une succession endiablée de chansons, habaneras, nocturnes et mazurkas.
La mise en scène de Marina Bollaín et le travail de son équipe scénographique vise à donner un cachet résolument contemporain à l'œuvre tout en gardant l'esprit léger qui fait le charme de cette musique. L'action se place dans une structure de type échafaudage d'où émergent des cases individuelles. L'action est ainsi démultipliée en un festival de couleurs tout en gardant un élan dramatique qui culmine dans une « Street party » finale assez déjantée. Le chef Miguel Roa connaît cette musique comme sa poche et fait rutiler un orchestre de Madrid qui s'amuse à jouer dans son arbre généalogique. L'équipe des chanteurs est valeureuse et très engagée ; l'ensemble prime naturellement sur les individualités et le spectateur est en présence d'une vraie troupe de théâtre.
La réalisation est très léchée et insiste sur la fougue de la mise en scène. Dès lors, ce DVD est un grand moment de bonheur musical et instaure d'emblée un haut niveau, dans le paysage, encore vierge, de la zarzuela filmée.