- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Fame à Katfish Row

Opéra à très grand spectacle, Porgy and Bess de n'est-il pas trop « grand » pour le petit Opéra-Comique ? Sûrement, ce qui n'empêche pas la Salle Favart de faire une production du niveau de celles qui tournent dans toute l'Europe, celles-là même qui évitent souvent la France et systématiquement Paris.

Du grand spectacle, nous n'en avons pas manqué ce soir. fait briller son orchestre, d'une qualité et d'une cohésion exceptionnelle. Toute médaille a son revers : est-ce du à l'acoustique des lieux ou à une vision trop symphonique de l'œuvre, ou les deux, les chanteurs sont parfois couverts de décibels. Pourtant, à propos de décibels, ces derniers n'en manquent pas. La distribution, exclusivement afro-américaine, est absolument inconnue en France, et nombre de ces chanteurs offrent de très bonnes surprises. et sont un couple d'amoureux très en voix, mais ce sont les titulaires de deux rôles moindres, Angela Renée Simpson (Serena) et (Sportin'Life) qui sortent vainqueurs de l'applaudimètre final. Mention spéciale à , qui offre dès le lever de rideau un « Summertime » presque trop langoureux pour une berceuse. Daniel Washington, s'il possède la carrure de Crown, peine dans les aigus et fatigue sérieusement au troisième acte. Globalement le plateau est stupéfiant d'aisance vocale et scénique. Toute ce beau monde chante et danse avec naturel, l'ensemble chœur et orchestre swingue en diable sur plus de trois heures de musique, et quelle musique !

Et scéniquement dans tout ça ? A l'avenir il faudra s'y faire : adieu décors en carton-pâte, frou-frou et autres pseudo-réalisme.

Sur ces plateaux presque vides, la mise en scène devient occupation de l'espace, l'accessoire, même imaginaire, est prépondérant. La voie est ouverte aux chorégraphes, la danse étant pas essence le spectacle qui peut se satisfaire d'une scénographie a minima. Le travail fort contesté de est dans cet esprit. L'action se passe « dans un passé récent » : le ghetto noir d'une ville du sud des Etats-Unis n'a plus lieu d'être, Porgy and Bess se situe dans un township d'Afrique du Sud, si on en croit les images projetées sur le vaste écran rotatif. Ce même procédé est utilisé avec des vidéoprojecteurs maniés à la main, projetant des images sur des draps blancs tenus par les chanteurs lors de divers moments clefs de l'action. Ainsi Clara n'a-t-elle pas son bébé dans les bras lors du fameux « Summertime » mais l'image de celui-ci. Trop de vidéo sature l'œil, et on aurait bien aimé parfois que ce cinéma permanent cesse un peu. A l'instar des décors inexistants, point d'accessoires : une longue table droite ou renversée occupe l'espace. Les costumes visent aussi la simplicité, jean et t-shirt colorés, avec quelques variantes selon les scènes et les personnages. Cette simplicité des moyens ne doit surtout pas masquer une simplicité des subventions et autres financements culturels. réussit à faire vivre ce monde en blanc d'une manière efficace, l'imaginaire du spectateur étant fortement sollicité ; Le risque pris est grand, mais sert l'œuvre et ne la trahit jamais. Un travail d'une vraie professionnelle de la scène, quoi que puissent signifier les quelques sifflets au baisser du rideau.

Crédit photographique : (Porgy), (Bess), (Sportin'Life) © elisabeth Carecchio

(Visited 189 times, 1 visits today)