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Concerto pour piano de Jolivet, coup de coeur !

Après des débuts réussis, le label Maguelone continue (avec raison!) l'intégrale de la musique pour piano d' avec ce troisième volume.

Ecrite en 1945, la sonate n°1 de Jolivet est un hommage à Béla Bartók, disparu peu de temps avant. L'influence de Bartók est omniprésente dans cette œuvre, certes, mais parfaitement assimilée, tellement assimilée qu'il serait impossible de dire ce qui révèle d'un compositeur ou de l'autre. Jolivet réussit avec brio cet exercice de style, qui, soyons clairs, ne consiste pas à imiter ni à vulgariser la musique de Bartók mais plutôt à l'intégrer afin de produire une expression musicale nouvelle. Cette œuvre s'inscrit dans une tradition « Sonate » classique avec ses trois mouvements vif-lent-vif mais les structures internes (1er et 3ème mouvements) diffèrent complètement de la forme « Sonate ». Pas de réexposition ni d'ordre à proprement parler, mais une œuvre assurément bien ficelée, mystérieuse et poétique, comportant un deuxième mouvement (lent) très énigmatique, planant, qui nous laisse dans les nuages.

Composé entre 1948 et 1950 après une commande d'Henri Barraud, directeur de l'Office de Radiodiffusion Télévision Française (ORTF), le concerto pour piano fit d'abord scandale lors de sa création à Strasbourg en 1951, avant de conquérir Paris un an plus tard, puis fut adapté en ballet par Georges Skibine peu de temps après. Ce concerto est extraordinairement riche et complexe musicalement, dans la mesure où il mélange les cultures : les brouillons du compositeur rendent compte de collectes d'information concernant les échelles turques, les musiques bantou, chinoise et coréenne. Les trois mouvements de ce concerto ont en commun la volonté de faire voyager l'auditeur, et on a l'impression d'avoir à faire tantôt à des textures sonores proches de celles de Takemitsu, tantôt à l'utilisation du piano en tant qu'instrument d'orchestre (Martinů). Les passages jazzy antillais sont également présents, accompagnés d'un très bel orchestre qui joue le jeu, survolté, agressif, mais surtout « in the mood for fun ».

Le jeu de convient parfaitement aux œuvres de Jolivet, et l'utilisation d'un piano Fazioli (pianos réputés trop puissants et faits pour des salles de concerts énormes) au détriment d'un Steinway classique, semble un choix très judicieux pour ces œuvres qui nécessitent un coffre sonore de premier plan. Signalons enfin que l'enregistrement est d'excellente qualité.

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