- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Anita Cerquetti, Callas et Tebaldi dans une seule voix

Bien des amateurs d'opéra pensent que la carrière d' a débuté en 1958 au moment où elle a remplacé une Maria Callas défaillante pendant la production de Norma de Vincenzo Bellini à l'opéra de Rome. On se souvient de l'énorme scandale que cet abandon avait suscité.

C'est oublier qu' pouvait compter sur une carrière qui avait débuté une dizaine d'années plus tôt alors, qu'en 1949 déjà, à l'âge de 18 ans, elle obtint un immense succès dans une interprétation de L'air des bijoux du Faust de Gounod.

Ce ne sera « que » trois ans plus tard qu' débutera sur la scène avec une entrée fracassante dans Aïda aux Arènes de Vérone, quelques jours après la prestation de… Maria Callas. Les critiques la comparant déjà à l'illustre diva grecque sont très élogieuses. Durant cette même session véronaise, Cerquetti chante Il Trovatore. Ses succès, qu'elle confirme tout au long de cette année et de l'année suivante ne lui apportent pourtant pas la renommée qu'elle mérite. Les grandes scènes lyriques italiennes sont déjà « squattées » par la Callas et la Tebaldi. Durant toute sa vie, Anita Cerquetti souffrira de faire partie des « viennent ensuite » de l'art lyrique. Pour preuve, l'existence d'un seul enregistrement de studio officiel.

Une injustice flagrante partiellement compensée par l'existence de plusieurs enregistrements pris sur le vif dont ce cd offre quelques extraits. Ces captations réalisées entre 1954 et 1958 montrent l'incomparable talent de la soprano. Hormis le Casta Diva de la Norma romaine citée plus haut, dont la comparaison avec n'importe quelle autre prêtresse celte du disque est inutile tant le chant de Cerquetti se situe bien au-dessus des autres, jamais un « Morrò, ma prima in grazia » de Un Ballo in Maschera de n'a été chanté avec autant d'émotion. Passant de la résignation d'une femme aimante à la douleur d'une mère bafouée, les couleurs de sa voix en disent presque plus long que le texte du livret. Outre la puissance de son instrument vocal, l'admirable vibrato, Anita Cerquetti dispose d'un bagage d'énergie à nulle autre comparable.

Parce qu'Anita Cerquetti possède le sublime legato d'une Renata Tebladi et l'extraordinaire expressivité théâtrale d'une Maria Callas, elle incarne la synthèse parfaite de ce que doit être une soprano dramatique. Elle était là pour donner ce qu'elle avait en elle mais déjà les intérêts commerciaux, l'égocentrisme des divas, les barrages élevés devant les scènes lyriques par les promoteurs des stars en place ont fait de l'ombre à son authentique talent pour ne l'offrir qu'avec parcimonie aux quelques amateurs d'art lyrique conscients de cette exceptionnelle cantatrice.

On a tout inventé sur son brutal abandon de la scène. Maladie mentale, crise cardiaque, naissance de sa fille, tout y est passé. Qu'importe les vraies raisons. Reste qu'en 1960, après avoir brûlé les planches pendant huit petites années, Anita Cerquetti met un terme à sa carrière. Aujourd'hui, ne subsiste que ces quelques enregistrements « pirates » qui, malgré l'exiguïté matérielle du message n'en est pas moins précieux. Un cd qui doit faire partie de la discothèque de l'amateur d'art lyrique… Ne serait-ce que pour servir d'étalon de mesure lorsqu'on vante les prouesses des nouvelles Callas venues du froid ! Suivez mon regard.

(Visited 558 times, 1 visits today)