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Luciano Pavarotti solaire et Marilyn Horne dévastatrice, vive la crise du disque !

Vive la crise du disque ! La morosité du marché discographique a ceci de bon que la production des nouveaux produits se doit de répondre à des critères artistiques plus sélectifs. S'en suit une sensible amélioration de la qualité artistique et une plus grande prudence dans le choix des produits (puisque c'est ainsi que les artistes sont aujourd'hui considérés : des produits !).

Autre bénéfice de la crise, la réédition. On fait les fonds de tiroir pour y découvrir (?) les trésors trop longtemps enfouis. Ainsi refont surface quelques perles dont ce récital de grandes stars lyriques de l'époque n'avait plus que très partiellement revu le jour depuis sa sortie en disque vinyle en 1981. Réédité au complet, cet exceptionnel concert d'opéra voit une , certes loin du meilleur de sa forme, tenir tête avec quelques-uns de ses plus beaux moyens à un plus solaire que jamais et à une dévastatrice.

Comme tout nouveau championnat du monde de boxe des poids lourds est taxé de «combat du siècle», certains n'ont pas hésité à délivrer à ce concert l'appellation de «concert du siècle». S'il signe une époque malheureusement disparue, on peut effectivement parler de concert du siècle. Souvent ces grandes réunions de stars n'ont de valeur que par les noms qui se bousculent sur l'affiche. Dans le cas de ce concert, on le craignait. Certains concerts des «Trois ténors» ont été là pour nous le prouver par la suite. Mais, dès les premières mesures, on comprend qu'il n'en est rien. Au-delà du professionnalisme des protagonistes de cet événement, on sent l'envie et le plaisir de chanter. D'abord chez , délivrant avec sa générosité légendaire des notes d'une rare brillance.

Un programme entièrement dévoué au belcanto et réunissant les trois plus grands chanteurs du moment se devait d'être un rendez-vous d'exception. A tous les niveaux. Comme les airs d'ensemble pour soprano, mezzo et ténor ne sont plutôt pas fréquents, on a transcrit la partie de basse du trio du 4e acte d'Ernani pour la voix de mezzo pour donner à la possibilité de s'intégrer à ses deux collègues dès le début du concert. Qu'aurait pensé de cette entorse à son œuvre ? Avec le plaisir évident que s'offre à chanter, il ne fait aucun doute que le maestro lui aurait pardonné. Quelle voix, quelle énergie, quel phrasé !

Comme prise de la température de la salle, c'est plutôt gagné à entendre la réaction enthousiaste du public. Après un tour des plus réussis dans la Norma de Vincenzo Bellini et un splendide et presque obligé Che gelida manina de La Bohème de Giacomo Puccini, le trio, très en verve, s'attaque à des pages de La Gioconda de Ponchielli avant que Marilyn Horne signe l'un des moments les plus émouvants de cette soirée. Son Mura felice de La Donna del Lago de Gioacchino Rossini va mettre le feu à la salle. D'abord avec le récitatif dans lequel elle semble passer en revue toute la palette de ses possibilités vocales. Des pianissimi sublimes s'enflant à pleine voix pour s'effiler bientôt dans un souffle, elle impose son autorité à un orchestre complice. Puis c'est au tour de l'exposé de la mélodie que le mezzo offre avec une sensibilité interprétative superbe avant que la pyrothechnie de la cabaletta finale fasse bondir le public hors de leurs sièges. Un moment d'opéra et de grâce qui a lui seul vaut l'achat de ce coffret.

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