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De Bosseur à Xenakis, cinq octuors du XXe siècle

Depuis 1995, date de sa fondation, l'Ensemble Antipodes (quatuor à cordes, contrebasse, basson, cor et clarinette) défend avec un égal enthousiasme le répertoire classique écrit pour cette formation et la musique d'aujourd'hui comme en témoigne ce remarquable album produit par Saphir réunissant cinq octuors du XXe siècle, cinq univers singuliers, tant par l'écriture que la conception formelle, que nous révèlent ces huit musiciens avec un engagement et une maîtrise du geste éminemment convaincante.

Œuvre de référence pour débuter cet enregistrement, Anaktoria – un hymne à l'amour – écrit par Xénakis en 1969 évoque cette habitante de Lesbos désirée par Sappho qui inspire au compositeur une pièce puissamment architecturée dont l'enregistrement restitue à merveille la matière charnue et la nuance fauve des coloris. L'incandescence finale parvenue au terme d'un lent processus est une page d'une intensité saisissante.

Ce sont des instances poétiques et plastiques – en l'occurrence le tableau Les mouettes de Nicolas de Staël – qui président à la conception et au titre de l'octuor de , Envol écrit en 2007. « Le tableau des Mouettes m'a frappé par le mouvement lent, lourd, pesant des oiseaux qui semblent défier la force de l'attraction terrestre » précise le compositeur : sentiment d'errance, dimension tragique ressortent d'un discours en perpétuelle mutation, troué de silence et d'interrogations, patinant en boucles ou laissant échapper par bribes fugitives quelques citations légères pointant leur humour salvateur : un itinéraire sonore qui entretient la tension de l'écoute et donne à cette quête existentielle toute sa profondeur.

Tout en contraste, Octuor d'Yves Bosseur composé entre 95 et 98 semble mettre en scène les huit partenaires dans une sorte de « théâtre de gestes et de sons » articulant la dramaturgie. Travaillant dans l'énergie du son et sa projection dans l'espace, Bosseur opère des alliages subtils de timbres, – cor et basson dans les premières pages de l'œuvre – sonde l'univers micro-intervallique, libère les sons multiphoniques dans une transmutation sonore inouïe.

Dans Lumières du compositeur interprété « quasi una fantasia » par l'Ensemble Antipodes, c'est le jeu sur le temps qui fascine, entre retenue et fulgurance de l'élan, transparence et foisonnement de la matière sonore. Pour clore cet enregistrement, les huit musiciens nous invitent à un voyage onirique avec l'œuvre au titre énigmatique de , Fal, un univers aux textures étranges et finement ouvragées louvoyant entre caresse et déchirure. Captivant.

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