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King Arthur : un peu trop de gags

On l'attendait avec hâte cette première mise en scène de Shirley et Dino, au point que même le 13h de France 2 et le « 6 Minutes » de M6 en ont parlé. Une production d'opéra citée au JT, ça doit bien arriver une fois par an – non, deux fois, l'autre étant l'esclandre annuel de notre Roberto national.

Corinne et Gilles Bénizio abordent l'opéra en parfaits candides. Mais King Arthur est-il un opéra ? Pas vraiment, partition composite, simple musique de scène – de 90 minutes – d'une pièce de théâtre aujourd'hui oubliée – d'une durée de cinq heures -, ce sont divers morceaux musicaux mis à la suite les uns des autres sans grand rapport une fois le texte de John Dryden supprimé. Il a fallu donc homogénéiser tout ça, créer un fil conducteur, remodeler le synopsis. En vrais gens de théâtre, la réussite du couple Bénizio est totale. Venus du monde du cabaret grâce auquel ils se sont faits connaître, King Arthur devient une sorte de revue en cinq tableaux, entrecoupés d'intermèdes comiques ou on voit Gilles Bénizio en machiniste interpeller les musiciens, haranguer le public et surtout faire divers numéros avec la complicité plus qu'active d', qui dévoile au public un talent insoupçonné de chansonnier.

Certaines idées sont franchement hilarantes. Bien sur les Monthy Python sont appelés à la rescousse, comment faire autrement que de parodier l'histoire du Roi Arthur sans penser à Sacré Graal ? L'emblème royal, une grenouille griffue (à moins que ce ne soit un ours ?) accroupie tenant un sabre et un sceptre, donne le ton. L'« acte du froid » – avec son célèbre air – voit Arthur frigorifié, pris en charge par deux infirmières sorties d'un réfrigérateur, tandis que deux pingouins, un ours polaire et deux skieurs nordiques (Corinne et Gilles Bénizio bien sûr) parcourent la scène. Que les sorcières zozotent et que le chœur lors du festin final se fasse la bouche pleine entre dans la logique du spectacle. Mais…

Mais Purcell, en bon musicien de son époque, avait prévu divers numéros instrumentaux qui à l'origine correspondaient à des ballets. Point de danseurs ici, mais était-ce utile de faire parler, crier ou hurler les acteurs à ces moments ? La Chaconne finale méritait-elle d'être traitée en générique de fin, couverte par les applaudissements du public ? Certes, Purcell n'en sort pas défiguré, mais dans le genre lyrique la musique ne peut en aucun cas être un simple support. Après, Corinne et Gilles Bénizio ont fait du Shirley et Dino, on ne saurait le leur reprocher, si ce n'est que certains gags étaient trop prévisibles, surtout l'évocation constante de , patron des lieux.

Point de vue musical, le spectateur a été servi. La distribution est homogène et se déplace sur scène avec aisance. Mention spéciale pour João Fernandez, devenu le rôle principal de ce King Arthur revisité. reste toujours un fin coloriste, même si sa battue est parfois un peu raide – on aurait aimé une Passacaille à l'acte IV un peu plus souple et un peu plus dansante. Les instrumentistes du Concert Spirituel se plient volontiers aux fantaisies de metteurs en scène, devenant ainsi de véritables acteurs d'un spectacle presque total. Quelques ajustements nécessaires, une meilleure coordination scène-fosse et surtout un peu de sobriété seront les bienvenus pour cette production, reprise dans la saison 2008/09 de l'Opéra National de Montpellier.

Crédit photographique : João Fernandez © Marc Ginot

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