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Aldo Ciccolini l’Enchanteur

Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon 2008

Invité d'honneur du Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon, le pianiste rencontrait pour la troisième année consécutive la jeune génération des interprètes lors de ses master-class dispensées la semaine dernière à la médiathèque Emile Zola. Il revient sur la scène du Corum pour deux concerts, en récital d'abord, puis au côté de l'orchestre National de Montpellier – direction Lawrence Foster – qui l'accompagne dans deux concertos de Mozart.

Pour cette première soirée en solo, , fidèle à lui-même, avait mis presque malicieusement en regard les deux Sonates les plus populaires de Beethoven – «Claire de lune» et «Waldstein» – avec des pièces beaucoup moins adulées, celle du prédécesseur de Beethoven, Muzio Clémenti et de son plus brillant élève , deux personnalités campées dans l'ombre du géant de Bonn que Ciccolini nous proposait ce soir de (re)découvrir.

On joue assez peu les quelques soixante Sonates de celui que l'on nommera «le père du pianoforte». On sait l'estime qu'avait Beethoven pour l'art de Clémenti dont il tirera un précieux enseignement. Dans la Sonate en sol mineur, la fraîcheur de l'inspiration s'accorde à la liberté d'un discours plein de surprises et de rebondissements dramatiques qui transgressent les cadres de la convention. Dans le premier mouvement traduit à merveille la transparence de l'écriture polyphonique, l'élégance des lignes soudain perturbées par la véhémence du propos. Alliant rigueur et délicatesse du toucher, il enchante le clavier dans le mouvement lent tout en retenue donnant enfin libre cours à son élan virtuose dans le Finale traversé d'un flux énergétique éblouissant.

Toujours soucieux d'élargir son répertoire – question d'éthique pour ce jeune homme de 83 ans – Ciccolini répondait à l'invitation de René Kœring en jouant pour la première fois la Sonate n°1 de , ce compositeur viennois qui a davantage la réputation de «délier les doigts» que de charmer les sens. C'est pourtant un authentique souffle romantique qui traverse cette partition d'envergure en cinq mouvements déployant une puissance et une intensité sonores phénoménales. Le plus étonnant est cette fugue quasi beethovénienne qui vient couronner le «Rondo» final, une construction d'une implacable rigueur dont Ciccolini nous détaille toute l'articulation.

Revenant sur scène avec cette façon – tenant du rituel – qu'il a de regagner sa chaise – préférée au traditionnel tabouret de piano – Aldo Ciccolini aborde les deux Sonates de Beethoven avec la sobriété du geste et la vision épurée du Sage, visant les lignes de force générales plus que la dramatisation outrée du discours. Lente éclosion sonore jusqu'à l'exaltation finale dans la Sonate «Clair de lune», combat implacable dans l'obsessionnel premier mouvement de la «Waldstein» jusqu'au chant solaire du «Rondo Final» que Ciccolini auréole d'une résonance quasi mystique.

Crédit photographique : photo © DR

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