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Acte décisif

«L'Ancien Testament» offre parmi ses épisodes les plus mémorables le récit des circonstances de la lutte pour rétablir la légitimité de Joas (ou Joaz) sur le royaume de Juda. Enfant caché et protégé, il devint le seul survivant d'une famille vouée à disparaitre sur ordre de la belliqueuse et dévoyée Athalie – sa grand-mère… – dont le règne s'appuya sur la certitude que nul ne lui ferait désormais obstacle. Le couronnement de Joas marqua le début d'une ère nouvelle symbolisée par le retour de la «vraie religion» s'opposant au culte de Baal entretenu par Athalie.

Ce canevas au contenu moral explicite et riche en scènes cruciales et conflictuelles devait inspirer à Racine une tragédie en cinq actes publiée en 1691. Renouvelant l'expérience d'Esther, écrivit une musique de scène destinée aux premières représentations. Ce «chef-d'œuvre du genre humain» (Voltaire) se prêta par la suite à de nouvelles traductions : Sept ans avant l'oratorio Athalie composé en 1733 par Haendel entre deux opéras, Marcello s'y consacra avec la complicité d'Apostolo Zeno, librettiste égalant Métastase en importance et en notoriété.

L'invention mélodique et harmonique du compositeur vénitien parvient à faire accepter sinon oublier les cadres rigides et immuables communs à l'opéra et l'oratorio de style napolitain, notamment l'intervention du chœur exclusivement destinée aux finales et l'imperturbable succession aria da capo – récitatif. Ce dernier se distingue chez Marcello par une richesse et une caractérisation dissipant de l'ennui toute ombre menaçante, qu'une stricte observance des conventions du genre favorisait. La saveur de ces scènes «parlantes» qui bénéficient du choix fait avec souplesse et pertinence de l'adoption du récitatif simple ou accompagné, repose sur une palette de modulations assez éloquentes, subtiles et recherchées pour maintenir la continuité dramatique en préservant l'équilibre d'intensité avec les arias qui leur succèdent.

Dans cet enregistrement, sans doute le premier, la distribution vocale ne présente ni qualités ni défauts particuliers, la seule réserve concernant une Athalie sans envergure, pâle, en deçà des exigences que son rôle de reine des ténèbres impose. «Di mie richezze» révèle la fragilité d'une voix peu apte à se faire l'écho de la puissance expressive de ce concert de soupçons, de revirements, d'interrogations angoissées dont un orchestre sensuel, vif et coloré trahit le caractère ambigu et latent avant d'en avouer finalement la transparence motivant des actes décisifs. Finesse des phrasés, sonorités attrayantes, contrastes mis en valeur laissent présager un bel avenir à l'ensemble munichois.

Une fois de plus, l'auteur du pamphlet Il teatro alla moda (dont Vivaldi fut une des cibles) ne nous permet pas de le surprendre en flagrant délit de contradiction entre l'argumentaire qui y est développé contre les dérives et les ridicules du monde des scènes italiennes et les caractéristiques d'une œuvre restituée ici avec tout son relief et sa cohérence, mots susceptibles d'esquisser le portrait d'un musicien et personnage étonnant. Solide et conséquent à l'image de ces chœurs à l'écriture accomplie, habités comme jamais, avec une force et un engagement inoubliables, couronnant Joaz et ses interprètes d'une gloire éternelle.

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