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Grandiose et traditionnel

A Macerata le Sferisterio résonne des grands classiques de l'art lyrique depuis 1967.

En réalité ce monument s'est essayé à l'art lyrique dès les années 20, une fois que la tauromachie italienne et le pallone col bracciale, pour lesquels il fut construit, furent passés de mode. Cette arène en demi-ellipse est impressionnante, avec ses 90 mètres de longueur et son mur de fond de 18 mètres de haut. Malgré une disposition si peu conventionnelle, l'acoustique est remarquable : les voix sont littéralement portées, l'orchestre ne couvre jamais, et ce quel que soit l'emplacement. On comprend pourquoi ce lieu s'est imposé comme un festival de premier plan, aux cotés de Caracalla, les arènes Phlégréennes ou Vérone. Contrairement à Orange, auquel on pourrait le comparer, Macerata propose effectivement deux titres du «grand répertoire» mais pour au moins une dizaine de représentations chacun, plus divers concerts, et d'autres œuvres lyriques contemporaines dans le petit théâtre «Lauro Rossi» mitoyen.

Pour cette saison, le directeur des lieux, Pier Luigi Pizzi, a choisi deux piliers : Carmen et Tosca. Pour le second titre que nous avons vu, point de demi-mesure : scénographie grandiose, chœur imposant – malgré de brèves interventions, distribution excellente. Si les gosiers ne sont pas les plus connus, ce sont en tous cas les plus adaptés aux rôles. Cette soirée avec Tosca fut celle des découvertes. n'est certes pas un perdreau de l'année, mais ses apparitions en France sont tellement rare, y compris à Marseille, sa ville natale, que le voir enfin dans un premier rôle nous permet de mesurer pleinement son talent. La voix s'échauffe au cours de la représentation, jusqu'à un «E lucevan le stelle» empli de morbidezza. A ses cotés, le jeune Carlo Sgura en Scarpia laisse augurer d'une carrière prometteuse : la voix est sombre et puissante, le style est maîtrisé. manque parfois de grâce et de délicatesse, mais la puissance de sa voix fait croire que le rôle de Tosca est trop réduit pour elle. L'ensemble des seconds rôles est satisfaisant, le chœur impressionnant dans la scène finale de l'acte I, et l'orchestre, sous la direction experte de , étonne par sa virtuosité et sa justesse.

Coté scène, on reste dans la grande tradition. , en assurant la mise en scène, les décors et les costumes, s'inscrit dans la lignée de Pier Luigi Pizzi. Un même dispositif scénique, légèrement modifié au cours des trois actes, sert de support. On notera une curieuse Pietà de Michel-Ange au premier acte, sensé de dérouler à San Andrea della Valle et non à Saint-Pierre de Rome. L'alcôve centrale, qui sert à une sculpture stylisée des rameaux à l'acte I, devient la chambre de torture à l'acte II et de terrasse de suicide à l'acte III. prend le parti de montrer sur scène ce que le livret désire parfois cacher, sans raison réelle, telle la scène de torture du II (à partir d'»aprite le porte») ou l'air du berger au début du III. Dans l'ensemble la mise en scène est du genre efficace, peu de gestes, on va toujours à l'essentiel, sans négliger le grandiose ni une certaine dose de figurant. Le lieu se prête à un tel jeu, un régal pour les yeux et les oreilles.

Crédit photographique : © Alfredo Tabocchnini

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