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Des talents pour servir le génie de Beethoven

Festival Pablo Casals 2008

Ce magnifique concert entièrement dédié à la variété du génie chambriste de Beethoven ira crescendo vers des sommets d'émotion. Pourtant il ne faudrait pas négliger le début. La sonate pour violoncelle et piano n° 4 a en effet débuté par une entrée du violoncelle d'une douceur et d'une beauté confondante. Comme la veille, Arto Novas a utilisé la douceur dont est capable son instrument ainsi que la délicatesse du phrasé pour mieux subjuguer le public dans le court mais magnifique andante qui débute la sonate. Dès le deuxième mouvement toute la vigueur et l'énergie requise par l'allegro vivace ont été présentes. Incontestablement Arto Novas, de tous les violoncellistes entendus à Prades, est celui qui a la sonorité la plus soyeuse et la plus émouvante, ce qui amène lors des mouvements rapides un contraste particulièrement saisissant. La complicité avec a fonctionné à merveille, le jeu du pianiste s'adaptant parfaitement aux belles nuances du violoncelliste Finlandais. Ce n'est pas étonnant car ces deux artistes ont enregistré il y a quelques années l'intégrale de ces sonates. Dans l'adagio l'humeur plus sombre permet des échanges plein de mystère entre les deux musiciens avec de beaux phrasés à la souplesse élastique, mais c'est dans le final, avec son jeu de fausses hésitations que la virtuosité des deux musiciens peut s'exprimer avec jubilation. Comme une partie de cache-cache particulièrement endiablée.

La genèse du quintette avec deux altos est assez mystérieuse. Cette adaptation du troisième trio pour piano et cordes op. 1, qu'elle soit l'idée de Beethoven ou d'un amateur, est en tous cas très intéressante.

Mené à vive allure par les deux dames de l'ensemble formé ce soir il a semblé que c'étaient ces deux musiciennes qui impulsaient l'énergie phénoménale de cette interprétation. Michaela Martin a un jeu très brillant et son engagement est de tous les instants. La sonorité qu'elle obtient de son violon Guadagnini est pleine et semble irradier tel le soleil de midi. En face d'elle l'alto de Nobuko Imai a le même mordant et une plénitude sonore inédite et elle ne se laisse jamais distancer. La beauté du timbre de l'altiste est particulièrement impressionnante ainsi que la sûreté de son geste quasi impérial. Ce jeu de préséance entre les deux virtuoses a donné tout son élan à l'ensemble du quintette. Mais les autres complices, Gil Sharon, Hartmut Rohde et Frans Helmerson, ont tenu parfaitement leur rang. L'inspiration est peut-être un peu facile dans cette pièce mais, avec des interprètes si engagés à la défendre elle prend des proportions fabuleuses ce qui force d'avantage l'admiration du public qui ne s'y est pas trompé et leur a fait un triomphe.

Pour finir le concert, le très rare septuor pour cordes et vents va constituer une apothéose. Œuvre de jeunesse, elle a eu beaucoup de succès dès sa création ce qui aurait irrité Beethoven lui même et la dureté de son auteur la dessert encore un peu aujourd'hui. Construite en six mouvement comme un divertimento à l'ancienne, elle est pourtant très originale et apporte beaucoup de plaisir aux auditeurs en raison d'un jeu de timbres très séduisant.

Beethoven, en orchestrateur de génie, sait quels partis multiples il peut tirer de l'association ou de l'opposition de ces deux familles d'instruments. Il offre à chaque soliste des moments pour briller en solo, duo ou trio soutenus par les autres. Le premier violon garde un rôle prépondérant et jouant de sa sonorité unique restera sur la brèche en permanence mais sans jamais écraser ses collègues. Car il faut parler de la sonorité exquise développée par . Il semble impossible de chercher à la décrire exactement, pourtant elle est reconnaissable immédiatement. L'effet qu'elle produit est troublant. Elle semble toujours flotter au-dessus des autres instruments avec une grande douceur et une lumière paisible. Le son semble fragile et précieux et pourtant on le devine incapable de disparaître même sous une masse sonore importante car sa lumière le porte. Le paradoxe est celui d'une sorte de fragilité acceptée et faite force. Les couleurs des autres instruments, que ce soit la famille des cordes qui s'associent à lui pour lui donner du corps, ou les vents qui lui apportent des couleurs complémentaires le mettent toujours en valeur dans un mouvement musical ascendant. Tous les instrumentistes sont des solistes et des chambristes admirés, tous semblent prendre un plaisir immense à l'interprétation de cette œuvre. La plus extraordinaire, parce que sont instrument est habituellement rebelle, est Marie-Louise Neunecker capable d'obtenir de son cor des attaques pianissimo d'une miraculeuse délicatesse et d'un précision inouïe. Mais tous ont brillé ce soir. Ce septuor interprété avec fougue et enthousiasme par ces musiciens survoltés a enflammé véritablement le public particulièrement nombreux. Beaucoup devaient se demander où peut-on trouver ailleurs qu'à Prades, des musiciens de ce niveau et choisis avec tant de justesse pour chaque œuvre ?

Avec de tels artistes, l'habilité de Beethoven dès sa première période en musicien chambriste, devient éclatante.

Crédit photographique : photo © Romain Baldet

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