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La conquête de Minnie

Coup de poker réussi ! En cette année du 150ième anniversaire de naissance de , l'Opéra de Montréal se devait de souligner l'un des compositeurs les plus populaires de l'art lyrique. Il fallait beaucoup d'audace pour proposer au public montréalais, – plus familier des Mimi, Tosca ou Madama Butterfly – cette obscure Minnie venue express du Far-West américain.

Un monde sépare la tenancière de saloon de ses consœurs pucciniennes, certes, toutes victimes du destin mais ayant en leur jeu, des atouts autrement convaincants : des airs que l'on garde en mémoire longtemps après la représentation. Ici rien de tel. Et pour mettre un peu plus de pression dans le bar La Polka, , la titulaire du rôle, a déclaré forfait pour la première. Une remplaçante, à 24 heures d'avis, a chevauché cette monture pourtant jugée rétive, mais sans que cela ne compromette la réussite de la soirée. Encore pourrait-on reprocher à , jeune soprano russe à la voix puissante, un manque de nuance flagrant. Sa présence sur scène compense amplement les quelques défauts observés. Elle nous convainc en incarnant avec autorité cette fille de l'Ouest qui n'a pas froid aux yeux. Revêtir les habits de l'héroïne en si peu de temps, est un joli coup de force aussi spectaculaire que de dévaliser une banque et de s'emparer du magot ! Chapeau !

En parfaite harmonie avec Minnie, Dick Johnson alias Remerrez du ténor , voix trempée dans la sauce Tequila, ne fait pas non plus dans la dentelle. On lui préférera le baryton en Jack Rance, le shérif chasseur de prime malchanceux et prétendant éconduit. Tous les seconds rôles, et ils sont nombreux, sont bien tenus. Qu'il nous soit permis de revenir sur l'œuvre «western» de Puccini. Bâtie sur un scénario un rien bancal, la pièce bourrée de lieux communs est sans grande imagination. On a affaire à un film de cowboys de troisième catégorie où les coups de théâtre sont prévisibles.

La mise en scène de paraît très conventionnelle et ne réussit guère à se détacher d'une trame un peu lâche. Les décors – il faut oublier les grands espaces que suggère la pièce, le bar ou encore la petite maison dans la prairie de Minnie – sont remplacés ici par un amas de tôle refroidie d'un train déraillé. Cela est censé nous interdire toute illusion ou allusion sur le rêve américain au temps de la ruée vers l'or.

Kerri-Lynn Wilson à la direction d'orchestre, est attentive aux chanteurs. On sent le plaisir évident que prend la jeune chef à rendre les ors d'une partition aux couleurs debussystes. Et c'est en cela qu'il faut rendre justice à l'opéra. Malgré les défauts déjà signalés, il faut courir au galop pour voir cette fulgurante Minnie et goûter aux charmes de la musique.

Crédit photographique : (Minnie) & (Rance) © Yves Renaud

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