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Felicity Lott, l’art de la transcription

Si la transcription est un art, le pianiste et compositeur Christian Favre y est passé maître.

Parmi les trois œuvres proposées jeudi dernier, les Wesendonck-Lieder paraissait la plus propre à un arrangement, puisque la partie de piano s'accommode le plus souvent de l'orchestration indéniablement wagnérienne de Felix Mottl. Le travail de Christian Favre, très réussi, soulignait la parenté de ce cycle avec les mélodies, parfois fort belles, que Wagner a composées pendant la première partie de sa carrière.

Le Prélude et la Mort d'Isolde offrait la situation inverse, puisqu'il s'agissait de réduire une ample partie orchestrale. La transcription du Prélude était si réussie que l'on croyait par moments entendre un chef d'œuvre de la musique de chambre. Dans la Mort d'Isolde, on ne pouvait s'empêcher de regretter la couleur nostalgique apportée par les cors, et l'extraordinaire vertige qui doit saisir l'auditeur lors du dernier tutti, sur la phrase «In des Welt-Atems wehendem All», avant que l'orchestre ne se referme comme un gigantesque éventail.

Dans les Rückert-Lieder, la difficulté était encore d'un autre ordre : l'accompagnement, destiné par Mahler à un orchestre réduit, se colore sans cesse des interventions des bois, et, dans Um Mitternacht, des cuivres. Bref, il paraissait impossible, a priori, d'imaginer que ces effets puissent être rendus par un quatuor avec piano. Or, c'est dans ces pièces délicates que le travail de Christian Favre produisait le plus d'effet, restituant de façon étonnante les oppositions de timbres et d'atmosphères.

On le sait, par sa seule présence, Dame aurait suffi à rendre cette soirée délicieuse. Le plaisir était d'autant plus grand de la voir mettre au service de ces belles transcriptions une interprétation raffinée et une diction impeccable. La profonde entente entre la chanteuse et les instrumentistes était mise au service d'une expression sobre mais intense. Du fragment de quatuor avec piano composé à 16 ans par Mahler, il y a peu à dire, si ce n'est que cette pièce n'a rien de malhérien, même si elle ne manque pas d'un certain charme.

En définitive, ce concert, qui, lors de sa parution au disque nous avait enchanté, inaugurait de façon prometteuse le cycle sur «L'art de l'accompagnement vocal» proposé par le Musée d'Orsay.

Crédit photographique : © Trevor Leighton

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