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Enrique Muñoz ou l’impasse de la musique vocale contemporaine

Le label Emec présente trois œuvres vocales du compositeur contemporain dédiées au Soli-Tutti et interprétées par cette même formation.

Sombras «Espacios para un requiem» fut créée au Cercle des Beaux-Arts de Madrid en 1999. Cette messe des morts pour 12 chanteurs solistes est en premier lieu construite en fonction du traitement spatial du son et du texte et ce sont les chanteurs solistes qui définissent (par exemple par leurs placements) la structure sonore de l'œuvre. Oscuro Amor (2002) est la seconde œuvre écrite pour le Soli-Tutti. Créée au cours du Ve Festival International de Musique Contemporaine puis jouée dans plusieurs villes françaises, cette œuvre est élaborée à partir de neuf des onze Poèmes de l'Amour Osbcur de l'extraordinaire Federico García Lorca. Le traitement sonore est différent de Sombras dans la mesure où le texte du poète espagnol est non seulement au tout premier plan de l'œuvre, mais surtout complètement compréhensible, contrairement à Sombras où il est souvent (et volontairement) caché ou dissimulé derrière les autres éléments sonores. Enfin, 21 gouttes de Musique (2006), créée à Mérida, emprunte 21 gouttes de musique aux 210 gouttes du poète Pierre Albert-Birot. Dans cette œuvre cohabitent deux niveaux, le narratif et le musical qui arrivent à se confondre par moments. Muñoz explique qu'il s'agit de trouver une osmose possible entre les vers et la musique, en exploitant ce que chaque forme peut apporter, pour arriver à un degré de compréhension situé entre concept et abstraction.

À l'écoute, ces œuvres de Muñoz nous rappellent la noirceur et la douleur des œuvres vocales de Ligeti ou de Berio. Y sont traitées des idées d'intérêt inégal : souvent intéressantes dans la structure musicale, dans le positionnement des sons et dans le mélange, naturellement hétérogène, de la voix parlée et chantée, mais parfois trop naïves comme dans Oscuro Amor où une guitare apparaît par endroits de manière «symbolique» sans véritable cohérence avec l'architecture de l'œuvre. L'on attend plus de complexité et plus de nouveauté des œuvres toutes récentes. Car c'est tout là l'enjeu de la musique atonale contemporaine : la pleine liberté laissée au compositeur et la complexité musicale qu'elle peut engendrer ne doivent ni rompre la cohérence de l'œuvre, ni pousser le compositeur à la simplicité.

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