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Dialogues de Marie-Geneviève Massé au Festival baroque de Pontoise

Qu'on ne se méprenne pas : si l'Eventail et sont des spécialistes de la danse dite baroque et participent comme tels à de nombreuses productions dramatiques, c'est bien un spectacle de création qu'ils proposaient aujourd'hui dans le cadre du Festival Baroque de Pontoise, dans le très beau théâtre de Jouy.

Ce caractère contemporain est néanmoins tempéré par une inspiration largement puisée dans la technique de la «belle danse» française des XVIIe et XVIIIe siècles.

On louera dans ce spectacle tout ce qu'on se lasse de ne pas trouver, d'habitude, dans la danse contemporaine. On voit si souvent des chorégraphies totalement déconnectées de la musique qui les accompagne, même pour la musique composée spécialement pour le ballet, de Rameau à Stravinsky, qu'on se félicite tout particulièrement de ce que ces danseurs aient des oreilles. De même qu'il ne va pas contre la musique, L'Eventail ne va pas contre le corps. Il n'est pas composé de pantins anorexiques, standardisés et interchangeables, mais d'individus beaux, et, osons le gros mot, désirables, dont la grâce n'est pas une propriété visuelle et abstraite, mais corporelle et personnelle – on a l'impression que les danseurs se font d'abord plaisir à eux-mêmes, et cela fait plaisir à voir.

Nous avons cependant une réserve importante à formuler, qui nous empêche d'apprécier vraiment ce spectacle. Car le choix des musiques et la chorégraphie qui en découle se révèlent à notre sens malheureux. On dit souvent par facilité que la musique baroque tout entière est dansante, quel que soit le genre concerné ; on a ici la preuve du contraire. Les immenses allegri de Bach sont même particulièrement impropres à la chorégraphie : leur longueur et leur absence d'épisodes saillants et fortement contrastants (ce que ceux qui n'aiment pas Bach appellent monotonie ou massivité) se prêtent mal à une illustration spatiale, si bien que les jeux ingénieux de l'Eventail semblent bien souvent gratuits, sans autre fil conducteur qu'un «concept» plaqué de l'extérieur («Tempo»). Les Quatre saisons de Vivaldi, elles, procèdent comme on sait d'une imitation littéraire, chaque concerto s'inspirant d'un sonnet consacré à une saison particulière ; prendre à son tour le texte musical comme source d'inspiration pour une chorégraphie dont le sens n'a rien à voir avec le sens originel, est une démarche qui nous semble problématique.

L'Eventail risque de mécontenter à la fois les «anciens», qui contesteraient la pertinence d'un tel spectacle, et les «modernes», qui auraient beau jeu de critiquer cette incursion de baroqueux patentés dans le domaine de la création. Reste le public, qui n'en demandait pas tant, et qui a fait un triomphe à la performance de ce dimanche après-midi.

Crédit photographique : © Benj

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