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Jean Guillou, les leçons d’un grand maître de l’improvisation

Chaque nouvel enregistrement de est un évènement en soi, en particulier quand il se livre à son art préféré : l'improvisation. Depuis les fameuses Visions cosmiques datant de 1968, et qui contribuèrent largement à sa célébrité, l'organiste de Saint-Eustache a parsemé sa discographie de nombreuses approches en ce domaine, toujours dans un langage bien personnel et reconnaissable entre mille. Naples est au centre de cette belle et nouvelle aventure, celle de l'orgue du conservatoire d'abord, commencée en 1982, et achevée enfin en 2007, grâce à l'élan de son nouveau directeur. en a conçu le projet, mettant en pratique ses théories sur l'orgue du XXIe siècle,

Développées dans son livre L'orgue, souvenir et avenir. Plusieurs réalisations précédentes avaient forcé l'admiration : Tonhalle de Zurich, l'Alpe d'Huez, ou Bruxelles (église du chant d'oiseaux). Une nouvelle fois, la conception d'ensemble propose un orgue, ici à 4 claviers, répondant aux exigences de l'écriture contemporaine, chaque clavier possédant une palette sonore très riche en jeux de solo. Nous sommes dans la démarche des grands facteurs d'orgue du passé, de Schnitger à Cavaillé-Coll, soucieux de construire des orgues aux possibilités élargies, à l'image de l'orchestre, et répondant aux exigences de leur temps. Orgue « à tout jouer » certes, mais sans doute « à bien jouer » aussi, même si l'harmonisation souffre ici un peu d'une acoustique réduite aux dimensions de la salle. Qu'importe, est heureux, cela s'entend, n'hésitant pas à paraphraser quelques chansons populaires napolitaines, que vient entonner la mezzo-soprano Cira Scoppa, accompagnée au piano par le maître, tel un écho des musiques des terrasses de café napolitaines. L'effet est réussi, avec une prise de son volontairement lointaine.

Aux quatre claviers de l'orgue nouveau, Jean Guillou disserte sur ces divers thèmes, conservant ici suffisamment de tonalité dans son langage, permettant ainsi de suivre sans les déchirer ces mélodies ancestrales, présentées là en suites de variations. Tout est ludique, ces improvisations ayant été captées en fin de sessions d'enregistrement de deux autres disques du même éditeur, consacrés aux romantiques allemands. La dernière improvisation intitulée …A Gesualdo, in ommagio, s'écarte de tout thème musical, Jean Guillou laisse libre court à son imagination créatrice, se laissant porter grâce aux sons bariolés de l'orgue, aux évocations mystérieuses des toiles du Caravaggio.

C'est sans doute dans cette dernière pièce que Jean Guillou se livre complètement, ouvrant très grand les portes de son imaginaire, et sachant nous y entraîner avec bonheur.

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