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Lecture Italienne pour les suites françaises

L'arrivée d'un nouvel enregistrement consacré à des œuvres pour clavier de  excite toujours la curiosité, ne serait ce que par l'approche même de l'artiste et du choix de l'instrument. Nous sommes comblés : le clavecin est une copie réalisée en 2006 par , d'après un original construit en 1691 par Vincent Thibaut, facteur Toulousain. Passionnante reconstitution d'un prototype, fruit des recherches du génial facteur, ce clavecin se démarque sensiblement de la plupart de ceux construits en France au XVIIe siècle, par une conception originale au niveau de la construction de la caisse, de la table d'harmonie, engendrant diverses zones de résonances au service de l'équilibre des basses et des aigus. Le résultat est remarquable : le son est rond, puissant et profond, relayé par une technique d'enregistrement multi canal qui aère le son et le projette avec naturel, comme au concert. Une installation d'écoute adaptée permettra de profiter de cette proposition d'enregistrement, mais la lecture en stéréo habituelle à deux canaux est possible également, avec un résultat déjà très remarquable. Mais tout cela ne serait rien sans l'approche originale de , qui aborde ce cycle majeur sous l'angle de la lumière méditerranéenne. Les phrases sont déclamées, soutenues par une agogique omniprésente, sur des tempos modérés en général, laissant au discours le temps de se développer. Démarche judicieuse héritée de ses maîtres, dont Gustav Leonardt, à l'opposée des écoles pianistiques, souvent séduites par la vitesse. Les suites chez Bach, présentées habituellement par groupes de six (nombre parfait), offrent une diversité de caractères simplement dictée par la tonalité même de chacune, les premières en mode mineur s'épanouissant ensuite sur les trois dernières en majeur. Il manque curieusement à ces suites un prélude que Bach aurait pu écrire dans l'esprit de l'ouverture «alla Lully», et qui aurait justifié doublement le titre de «suites françaises». Il faudra se tourner vers d'autres cycles pour en avoir quelques spécimen mémorables, dont la célèbre Ouverture à la française en si mineur BWV 831. Le programme est ici complété par le fameux Concerto italien BWV 971, composé par Bach en hommage à ses amis italiens, l'un des plus géniaux pastiches de l'histoire de la musique. s'y montre ludique à souhait, contrastant ensuite avec la Fantaisie et fugue BWV 904, calme et sereine, «in dulci jubilo» comme aurait Bach lui même. C'est dans cette atmosphère apaisée que se termine cet enregistrement, l'un des plus réussis dans ce répertoire, pourtant déjà beaucoup enregistré.

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