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Nettement en deçà du potentiel des œuvres

Ce deuxième concert du cycle Brahms Bartòk du National sous la direction de Daniele Gati ne restera pas mémorable. Il faut dire qu'il commença par une Ouverture pour une fête académique d'une dissuasive lourdeur pachydermique. On se demande encore quelle mouche a piqué le chef pour passer aussi loin du caractère festif de cette œuvre, jouée ainsi sans la moindre énergie, sans rythme, sans humour, sans … bref, à part un orchestre simplement en ordre, il manquait à peu près tout. A oublier. Ecouter (et voir !) Cary Grant «diriger» cet œuvre avec son orchestre d'étudiants dans le film de Mankiewicz On murmure dans la ville est cent fois plus satisfaisant et en plus respecte l'esprit de l'œuvre. Cela a au moins permis aux retardataires de prendre leur place avant le Concerto pour piano n°2 de Bartòk en n'ayant rien raté.

Mais s'il n'y avait plus de contresens dans l'interprétation du concerto, il n'y avait pas non plus de grande réussite au rendez-vous. L'orchestre manqua sérieusement de tranchant, surtout du côté des cuivres sonnant juste mais mou, et ne produisit jamais un son homogène et dynamique comme le demande l'écriture d'une précision diabolique de Bartòk. Certes l'œuvre est très difficile à réussir, toute de précision et de rythmes, et passer un peu à côté est lui enlever une partie de sa force. Mais c'est justement le challenge qu'il faut pouvoir relever quand on programme cette pièce, assez enthousiasmante si on la réussit. Le piano, fondamentalement percussif sans séduction facile est lui soumis à rude épreuve. Presque toujours présent dans le discours musical, il ne permet aucune détente au pianiste, excepté dans l'Adagio. s'en est tiré honorablement quand à la justesse de son jeu, mais là encore sans toute la vigueur nécessaire ni la capacité à faire entendre chaque note de façon suffisamment claire, sonnante et détachée, on y a senti en effet comme un excès de «legato» (pour du Bartòk !, chez Brahms ce serait un staccato), qui nuisait à la lisibilité. On s'en doute, le mouvement le plus réussi était le l'Adagio central, bien moins exigeant que les deux mouvements vifs qui l'encadraient. Cela resta néanmoins une interprétation nettement en deçà du potentiel de l'œuvre.

Retour à Brahms après l'entracte, avec une Symphonie n°2 jouée avec application par l'orchestre, mais malheureusement sans style ni sonorité adéquates. Où est donc passé la formidable homogénéité atteinte par cet orchestre au meilleur de son intégrale Beethoven de la fin de la saison dernière ? Car c'est bien à partir de cette base là que l'orchestre aurait pu bâtir une grande interprétation brahmsienne. Ce soir on n'a pu que constater une régression dans ce domaine, non que l'orchestre soit devenu subitement mauvais, loin s'en faut, les cordes en particuliers restaient exemplaires (sauf pour les fameuses pizzicati chers à Brahms bien inexpressifs), mais il avait simplement perdu un élément essentiel pour réussir son Brahms. De son côté le chef nous a donné une lecture assez littérale, avec une conduite du discours manquant d'idée directrice, trop raide, qui n'a jamais emballé ni ému, et pourtant il y avait de quoi. Le premier mouvement, qui démarra dans la plus totale neutralité expressive, alterna moments presque justes et passage neutres, sans que la grande ligne qui le traverse ne saute aux oreilles. Le chef a respecté la reprise de l'exposition, méthode dont nous ne sommes pas fan en général, mais dans ce contexte on s'en serait bien passé. Le moment le plus réussi fut la coda du dernier mouvement, il était temps, mais globalement ça n'était pas du grand Brahms.

Crédit photographique : © Ludwig Schirmer

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