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Dinu Lipatti, ses enregistrements concertants de studio

Pour les mélomanes ne désirant pas acquérir tous les enregistrements du beau coffret EMI Icon consacré à (1917-1950), ce CD du label japonais Opus Kura sera idéal en ce sens qu'il regroupe intelligemment les trois seules gravures de concertos en studio que le pianiste roumain ait accomplies : Grieg, Schumann et Lipatti. On retrouve bien entendu les deux premiers dans l'album EMI, tandis que le Concertino en style classique du pianiste – compositeur est présent, comme déjà mentionné par ailleurs, en un double CD chez Electrecord (EDC430/431) regroupant également des pages de Georges Enesco par lui-même et Lipatti.

Inutile de revenir sur ces gravures prestigieuses des Concertos de Grieg et Schumann qui, à vrai dire, n'ont jamais quitté un seul instant les catalogues EMI-Columbia dès leur parution en 78 tours, et qui, malgré leur âge, sont toujours considérées à juste titre comme des modèles d'interprétation. L'intérêt particulier de ce CD est de leur faire voisiner ce Concertino en style classique qui bien sûr ne peut leur être comparé, ni en grandeur, ni en ambition, mais qui confirme toutefois que Lipatti était non seulement l'un des pianistes les plus purs et les plus doués du XXe siècle, mais également un compositeur de talent dont les œuvres étaient souvent envoûtantes (l'Adagio molto du Concertino !) et très personnelles.

Ce Concertino en style classique pour piano et orchestre de chambre, datant de 1936, n'a pas connu un destin discographique généreux : à part , il n'en a existé à notre connaissance qu'un seul enregistrement stéréophonique réalisé en 1967 par Felicja Blumental (microsillon Auditorium AUD102 ou Everest SDBR3166). Et c'est bien dommage, car l'œuvre, quoique modeste, est vraiment attachante. était pétri des grands maîtres, avant tout Bach, bien sûr, mais également Scarlatti et Mozart qu'il a si admirablement défendus ; aussi ne sera-t-on pas étonné de retrouver leur influence dans ce Concertino qui est avant tout un hommage à Bach : il suffit d'écouter les premières mesures de l'Allegro maestoso initial, pour avoir à l'esprit la noblesse du début de la Saint Matthieu, tandis que l'Adagio molto rappelle les mouvements lents de ses Concertos, teintés de nostalgie roumaine ; les arabesques séduisantes de l'Allegretto font office de menuet qu'un Haydn ou un Mozart auraient pu écrire, eussent-ils vécu au XXe siècle, tandis que le mouvement conclusif Allegro molto, en forme-sonate proche d'un moto perpetuo, évoquerait plutôt la verve pleine de fantaisie d'un Scarlatti.

De tous ces précieux enregistrements, Opus Kura a réalisé des transferts étonnants de clarté et de pureté, aux basses plus affirmées que dans les diverses moutures EMI de Grieg et Schumann, alors que le label japonais ne dispose que de pressages commerciaux et non des matrices originales, ce qui entraîne inévitablement un bruit de fond légèrement supérieur, mais suffisamment faible pour ne pas être gênant. Au niveau technique, c'est vraiment remarquable ; au niveau artistique, c'est exceptionnel.

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