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La rose des Tudors à l’orée du XXIe siècle par Dominique Fernandez

Ce joli ouvrage de est la réédition d'un livre publié en 1976, à une époque où on commençait tout juste à (re-)découvrir certaines traditions chorales anglo-saxonnes, notamment celles fondées sur l'utilisation, dans les différents ensembles vocaux répartis aux quatre coins du royaume de Sa Majesté, des voix masculines dites «de dessus» : la voix de jeune garçon pour la partie de soprano (en anglais, treble), ou alors la voix de contre-ténor pour la partie d'alto.

Depuis la première parution de ce livre, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, et la voix de contre-ténor n'est plus, et de loin, la curiosité qu'elle était autrefois. Cette réédition est donc l'occasion de faire le point sur un certain nombre de pratiques musicales, et notamment sur le regard porté aujourd'hui par le grand public sur l'utilisation de registres vocaux autrefois contestés. L'ouvrage contient ainsi des considérations tout à fait bienvenues non seulement sur l'évolution de certains répertoires, qui permet aujourd'hui d'apprécier un opéra comme le Sant'Alessio de Landi, mais également sur celle d'une esthétique qui privilégie – ou plutôt, qui privilégiait… – la voix dite «androgyne» à un son plus nourri et plus vibré. À cet égard, le portrait réalisé de deux des meilleurs chanteurs du moment, les contre-ténors Andréas Scholl et Philippe Jarrousky, montre bien le chemin parcouru lors de ces trente dernières années, les sonorités produites par ces deux immenses artistes n'ayant plus rien à voir avec la voix blanche d'un Alfred Deller ou d'un Paul Esswood. De même, la pratique qui consistait à bannir la voix de femme d'un ensemble vocal semble bel et bien révolue…

Pour le reste, le lecteur qui connaissait déjà la première mouture de ce texte relira avec un réel plaisir les développements – certes, plus personnels et «fantasmés» que véritablement objectifs d'un point de vue purement historique – sur le culte de l'androgynie, puisque c'est cela que suggère métaphoriquement le titre de l'ouvrage, et que regrette implicitement son auteur. On appréciera tout particulièrement, la sensibilité à fleur de peau qui caractérise le récit des concerts donnés à Cambridge dans les années 1970, de même qu'on lira avec intérêt le savant exposé sur les grands compositeurs de la période élisabéthaine et du XVIIe siècle.

Il s'agit en somme d'un petit ouvrage qui porte plutôt bien ses trente printemps, et dont le regard rétrospectif sur les dernières décennies musicales permet de pleinement apprécier l'étendue des révolutions musicales passées, mais aussi d'anticiper celles à venir.

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