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Avignon : Les Brigands, Quelle audace!

Le trio infernal (Offenbach-Meilhac-Halévy) a encore frappé… avec un bruit de bottes… On éprouve toujours un grand plaisir à voir ou revoir «un Offenbach», que l'on soit plus sensible à la généreuse allégresse communicative ou à l'ironie grinçante, voire à la mélancolie fugace.

C'est une gageure de la part de la Compagnie des Brigands que de monter les œuvres peu connues d'Offenbach ; mais la critique leur a maintes fois donné raison, par des récompenses diverses et variées, des diffusions télévisuelles, des enregistrements.

Leur interprétation est en effet fort réussie. , en chef des brigands, a la carrure nécessaire pour faire oublier que Falsacappa est un ténor, détournement évident du rôle de commandement. Les deux voix féminines sont excellentes ( en Fiorella et sous l'habit masculin de Fragoletto, gavroche à souhait !), avec une légère préférence pour le timbre cristallin de cette dernière, et présentent toutes deux des qualités scéniques indéniables. Le chœur soutient agréablement l'ensemble, le jeune chef Benjamin Levy imprime à l'orchestre un tempo allègre…. La diction des solistes n'est cependant pas toujours suffisamment audible pour restituer l'intégralité du livret.

Entre hispanisme et airs rossiniens (normal, entre Grenade et Mantoue… ), cette œuvre bigarrée, composite et parodique (le chef des brigands n'est pas basse profonde mais ténor, les hommes sont des femmes, les brigands sont des hommes au grand cœur… ), se révèle attachante, et avec quelle audace !

L'insolence légère, la critique sociale corrosive, la causticité de la satire et du pastiche ne peuvent rater leur but : l'air du caissier trouve des échos inattendus dans l'actualité la plus brûlante, la société bling-bling également… Toute ressemblance, etc etc… ne saurait être fortuite !

Et quelle prémonition des «bruits de bottes» prussiennes de 1870 (juste un an après la création des Brigands) dans ces carabiniers qui par un malheureux hasard arriveront toujours en retard ! Et quelle jubilation quand les espagnolades («Il y a des gens qui se disent espagnols…») sont soulignées de façon appuyée – dans une franche gaieté – par des pastiches, de Velasquez pour le plus voyant ! Quelle jubilation pour un public du XXIe siècle, mais quelle audace pour un contemporain de l'impératrice Eugénie !

Si nous devions noter ces Brigands, nous donnerions 20/20 à la mise en scène, d'une sculpturale beauté, et très savamment composée ; 13/20 à l'ensemble du spectacle qui, malgré ses qualités, ne nous a pas donné le grand frisson … et 0 pointé aux éclairages, «tape-à-l'œil» au propre et au figuré : brutale, clinquante, inutilement colorée, avec des projecteurs directement orientés vers les spectateurs, la lumière du 1er acte pour le moins était insoutenable !

Crédit photographique : © (Fragoletto) © Opéra-théâtre d'Avignon

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