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Debussy et Beethoven réunis chez Chagall

Si la soirée, quoique fort simple, fut relativement agréable, on peut toutefois se demander ce qui a présidé au choix des pièces. Il semble bien que ce soit la simple présence simultanée des instrumentistes, car unir dans une même soirée Beethoven et Debussy est de soi insolite, quand on sait la distance prise par le jeune Debussy après son échec cuisant lors de l’exécution de l’opus 111 du maître de Bonn. On aurait pu peut-être trouver entre Beethoven et Debussy une proximité dans la rupture introduite par l’un et l’autre, mais la facture de l’opus 11 de Beethoven est résolument classique. Si l’on voulait alimenter le sempiternel débat du Beethoven dernier des classiques ou premier des romantiques, voilà en effet une pièce à verser au dossier. En tout cas, le choix d’interprétation de Sébastien Driant, Frédéric Richirt et Thierry Trinari était rigoureusement classique. Les écoles peuvent se discuter, mais y-a-t-il eu réellement un Beethoven aussi mozartien ?

Certes, nous sommes là dans les premières compositions du compositeur, mais il semble malgré tout discutable de voir une telle dépendance vis-à-vis de Mozart, même si on peut comprendre, et plus encore au vu du talent dont Beethoven fera preuve par la suite, la déception du pianiste Steibelt face à cette partition d’une facture très simple. Le trio niçois, dans sa rapidité d’interprétation, pouvait parfois manquer d’ensemble, particulièrement entre le piano et le violoncelle ; d’une manière générale, clarinettiste et violoncelliste épousaient mal le piano. C’est le même défaut que l’on trouvait déjà dans l’exécution de la sonate n°1 de Debussy : piano et violoncelle jouaient trop en dehors l’un de l’autre. On pourrait objecter que Debussy c’est la révolution du son, de la personnalité des sons propres à chaque instrument, on pourrait même rappeler l’échec du jeune Achille Claude à l’épreuve d’harmonie, ce serait oublier l’audace de ses recherches harmoniques.

En revanche, la rapsodie pour clarinette sut charmer par ce constant dialogue fait de nuances et d’impressions sensorielles entre le piano et la clarinette. À l’audition, on comprend sans mal pourquoi Debussy fut si souvent rapproché – d’une façon rapide diront les connaisseurs – de l’impressionnisme. Peut-être en effet faut-il entrer dans le texte même de cette partition conçue pour le concours de déchiffrage de 1910, pour mieux cerner en quoi Debussy se distinguait lui-même de cette école, moins sensorielle et imagée que sa musique. C’est ce que sut rendre Sébastien Driant dans son interprétation des Préludes, même si l’exécution des Voiles se révéla un peu raide et parfois poussive.

Une soirée somme toute agréable, qui sut charmer le public essentiellement estudiantin du musée Chagall. Clin d’œil amusant entre deux maîtres de la sensation celui du son et celui de la lumière.

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