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L’entretien de M. Descartes avec M. Pascal le Jeune au Théâtre des feuillants

Une salle comble ce soir au théâtre des feuillants où les spectateurs retrouvaient , habitué de la scène dijonnaise, aussi bien dans des spectacles musicaux (on se souvient de la soirée consacrée aux mélodrames de Schubert, Schumann et Liszt en 1991, avec Cyril Huvé au piano) qu'à des pièces de théâtre comme c'est le cas ici avec le singulier Entretien de M. Descartes avec M. Pascal le Jeune de .

A la fois divertissante et profonde, la rencontre – qui a réellement eu lieu, à huis clos, mais dont il ne reste pratiquement aucune trace – du jésuite Descartes et du janséniste Pascal imaginée ici par Bréville n'a pu qu'interpeler le public, l'invitant à une recherche en lui-même, tout en le faisant sourire et parfois même rire aux éclats. Le tout sur ponctuations d'éclats de tonnerre orchestrées par Yann Galerne. Car si ces deux philosophes exceptionnels s'estiment, leurs convictions et idéaux s'opposent et leurs idées s'entrechoquent en ce jour du 24 septembre 1647 dans le couvent des Minimes. Et Descartes le bon vivant rationaliste d'avoir le trac en attendant le mystique et tourmenté Pascal. Le premier apprécie la bonne chair et les femmes, le second se désintéresse du corps et ne jure que par Dieu. Bréville précise d'ailleurs dans un entretien : «Je ne connaissais rien à la philosophie de Descartes ni à celle de Pascal, mais leurs vies m'ont fasciné. Songez que Descartes vivait maritalement avec une servante, à Amsterdam, ce qui était assez exceptionnel pour un gentilhomme français. Il eut une petite fille qui mourut d'une épidémie de variole à l'âge de sept ans. Dans une lettre à un de ses amis, il écrit que les plus belles années de sa vie furent celles passées auprès de cette femme et que la perte de cet enfant fut le plus grand chagrin que la vie lui ait donné : «Je ne suis pas de ceux qui pensent que les larmes n'appartiennent qu'aux femmes». Cette phrase, de la part d'un philosophe de la raison raisonnante, qui passe pour un homme sec, m'a semblé prodigieuse. J'ai voulu en savoir plus, lu des biographies et découvert qu'il mena une vie extraordinaire : Descartes incarnait le «cavalier français», aimait les femmes, l'aventure, le jeu, la guerre, les duels, les sciences occultes (il a beaucoup fréquenté les sorciers)…

Et la fascination de l'auteur rejaillit incontestablement sur les spectateurs, et ce, grâce à une finesse des dialogues dans ce face-à-face exceptionnel, grâce à une mise en scène minimaliste, avec quatre chaises, des livres, une anachronique mais cependant vieille radio, une malle, des étains… qui donnent tout de même une certaine chaleur à cette cellule reconstituée. Les lumières contribuaient également à entretenir le suspens – car malgré tout, suspens il y avait – avec la symbolique bougie soufflée à la fin par Descartes et qui replonge la scène dans le noir, comme si la rencontre n'avait jamais eu lieu. Et le balancement de l'horloge reprend, structurant le temps qui nous est compté. Car Pascal, plongé dans «les infinis», a refusé de continuer l'œuvre de Descartes et la joute verbale interprétée par des Mesguich au meilleur d'eux-mêmes est terminée. Au grand regret des spectateurs qui seraient bien restés plus longtemps, et dont les «bravos» résonnent encore aux feuillants…

Crédit photographique : © BM Palazon

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