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Glace et acier de Vladimir Deshevov : Prolétaires de tous les pays …

Témoignage de l'opéra soviétique militant, Glace et acier de fait aujourd'hui sourire par son esthétique surannée et partisane.

Le compositeur était un des enfants terribles de la scène soviétique en pleine ébullition, qui, comme nombre de ses collègues, a été oublié depuis. Le sujet de cet opéra est la révolte de Cronstadt (1921) présentée ici, propagande oblige, comme une machination de l'Europe occidentale et des «Russes blancs» contre Lénine. En réalité, les marins mutinés de cette île fortifiée en face de Saint-Pétersbourg étaient bolcheviques et réclamaient une meilleure répartition des richesses. Une fois affamés par un blocus, l'Armée Rouge n'en a fait qu'une bouchée. Ne restait plus qu'à écrire les livres d'histoire…

Le livret présente des personnages crus, directs, sans approfondissement psychologique. Idéologie communiste oblige, les rôles sont très nombreux, les scènes de foule abondent (souvenez-vous du Nez de Chostakovitch, qui est contemporain). Le symbolisme est au rendez-vous : tout ce qui est «bourgeois», comme la consommation de drogue, utilise un langage sériel. A l'inverse, les héros de l'histoire, à commencer par la révolutionnaire Musja, ont droit à une tonalité affirmée.

Le synopsis est simple : Nous sommes à Petrograd. La population est affamée, le marché noir pullule. En face, sur l'île de Cronstadt, la mutinerie se déclenche. Musja, jeune ouvrière militante, se propose de s'infiltrer chez l'ennemi. Dymchenko est son exact opposé : marin roublard, dragueur, intéressé par son propre profit, il est à la tête des mutins, parmi lesquels figurent des bourgeois, des nobles, des religieux et des officiers allemands. Musja, découverte, fait exploser sa grenade dans la réserve de poudre…

L'œuvre a bien mal vieilli. Le propos fait sourire. La musique est vieillotte, plutôt tapageuse. La notice de présentation vante les mérites d'un chef-d'œuvre inconnu, nous resterons plus circonspects. La réalisation, en revanche, force l'admiration : plateau homogène en dépit de sa diversité, excellente direction musicale de Will Humburg d'une partition excessivement complexe, mise en scène inventive et ouverte, parfois à l'encontre de la superficialité des personnages, due à Imo Karaman. Visuellement, c'est magnifique. Musicalement, l'excellence des interprètes n'arrive pas à sauver la partition de Deshevov. Historiquement, nous savons que c'est faux. Reste le témoignage d'une époque.

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