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Ballet du Théâtre Mariinsky à Baden-Baden… ou comment clore avec souveraineté

Les galas de danse de grandes troupes nationales sont rares en France, mais c'est une grande habitude du Kirov et du Bolchoï que de terminer une tournée par un gala festif.

Devant la succession d'extraits de ballets, il est parfois difficile de se montrer exigeant en matière de cohérence de choix des morceaux, et en rendre compte relève plus de la distribution de bons points que d'impressions profondes. Toutefois, c'était sans compter sur les qualités extrêmes de certains artistes, solistes ou pas, qui transforment entièrement un exercice en moment d'art.

Le Pas de Quatre d'A. Dolin, composé de Maria Shirinkina, Yana Selina, Nadejda Gonchar et d'Ekaterina Gondaurova, était sans grand intérêt, d'autant plus que la fatigue se faisait sentir après cette semaine intense de plusieurs représentations.

Le Carnaval de Venise était fabuleux de complicité entre Mlle Obraztsova, dont le plaisir de partager ce moment avec Vladimir Shklyarov était flagrant. La suavité de sa variation ne cédait en rien à la virtuosité de la coda ; son partenaire était d'une grande joie communicative, et arborait un sourire désarmant dont il ne se départissait pas, même dans les moments les plus délicats de la chorégraphie. La première partie se clôturait par une dispensable chorégraphie de , Contradictions, peu intéressant dans la forme, et ne mettant en lumière aucune particularité des interprètes, en l'occurrence, et Ivan Kozlov.

On retiendra du pas d'action de Laurencia, ballet de Chabukiani, qui ouvrait la seconde partie, la très bonne prestation de. Lobukhin, décidément très à l'aise avec ces rôles bondissants, et l'excellence des deux solistes masculins ; on a rarement vu un tel synchronisme, jusque dans la réception des sauts et les ports de tête, et si Alexey Timofeev se distinguait par une tendance à devancer son collègue, Fillip Stepin, il réprouvait, par fidélité à la cohésion de l'ensemble, ses plus grandes capacités physiques.

, avec le toujours très chaleureux Vladimir Shklyarov, était d'une vivacité piquante dans le Tchaikovsky Pas de Deux. Quant à , avec la précision et l'entrain qui caractérisent sa variation du Grand Pas d'Auber, il a captivé et a emporté l'adhésion dans la coda, bien plus que Mlle Somova qui fait preuve d'un manque total d'élégance dans ce bijou français qu'est la variation féminine du Grand Pas, et de distinction dans la coda, qui, bien que menée jusqu'à la fin, a fait frémir le spectateur devant l'absence d'affinité profonde de cette personnalité à la vraie danse classique.

Le cadeau tombé du panthéon artistique est venu du Grand Pas de Paquita. Mlle Kondaurova (deuxième variation), était touchante, et malgré un corps trop puissamment musclé, sa façon de lier les pas de façon éthérée a fait déceler une artiste majeur en devenir. Mlle Obraztsova, en Cupidon, était exquise et soignée avec son allégresse et son entrain coutumiers. Elena Evseeva (première variation) et Maria Shirinkina (troisième variation) étaient anecdotiques, et l'on n'a rien retenu de particulier de jeunes artistes qui doivent encore faire leurs preuves scéniquement.

La reine de la soirée fut, cela n'est pas surprenant, , déesse parmi toutes, et dont il a suffi qu'elle parût sur scène pour être. On ne peut que s'agenouiller devant tant de féminité, d'hédonisme et de rayonnement ; on ne peut décrire en détail tant l'ensemble forme un tout unique et indivisible. Parler de ses bras sublimes, de ses jambes interminables, de son cou délicat, obligerait d'occulter son délié, sa présence, sa majesté. Accompagnée du royal et noble , la lumière se fit encore plus flamboyante, et désormais, éblouit jusqu'à la mémoire de celui qui évoque ce qui est, déjà, le passé dont on doute qu'il ait vraiment eu lieu.

Crédit photographique : A. Somova, L. Sarafanov dans le Pas de Deux d'Auber ; M. Shirinkina, Y. Selina, N. Gonchar et E. Gondaurova dans le Pas de Quatre © N. Razina

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