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« Audrey, vous le valez bien… »


Le public était clairsemé ce mardi 13 janvier à l'auditorium, malgré famille et amis, pour écouter la jeune pianiste . La scène départementale est en effet plutôt spécialisée dans le théâtre de boulevard, la fantaisie, la variété ; et même si quelques artistes y font leurs débuts dans la région en attendant d'être un jour accueillis à l'opéra-théâtre d'Avignon, ils remplissent rarement la salle.

On peut légitimement le regretter, car le programme de cette soirée était beau, et l'interprète, inspirée. D'une main alerte, parfois virtuose, elle a fait pétiller les sonates de Scarlatti, a fait briller toute la complexité rythmique et mélodique de Beethoven, et a su magnifiquement se jouer de la difficulté de Chopin. Quant à la 2e partie (la dernière sonate de Beethoven, écrite précisément… le 13 janvier 1822), elle fut un moment de grâce pure, une interprétation parfaite pour une œuvre qui touche à l'éternité.

Scarlatti est une des valeurs sûres qu' inscrit, dans tous ses récitals, tant ce compositeur, exactement contemporain de Bach, est brillant, étincelant. L'aérienne légèreté de la main droite, le souple arrondi du bras gauche qui lui donnait des airs de marbre de Rodin, ont conféré à l'interprétation de ce soir une grâce jubilatoire.

Quant à la dernière sonate de Beethoven, techniquement difficile, elle constitue le testament métaphysique du compositeur : elle ne peut plus se terminer que dans le silence, celui de l'éternité, celui de l'au-delà que Beethoven entrevoit… Ainsi, la jeune pianiste a refusé de jouer en rappel quelque autre morceau que ce soit, expliquant brièvement que ce serait «une hérésie» ; «Je vous laisse, a-t-elle conclu, vous imprégner pleinement de la profonde intensité de cette sonate», et elle s'est fondue dans le rideau de scène…

Voilà une pianiste de grande classe, mais que le stress envahit trop pour que le public se laisse toujours aller à l'émotion : si le trac est à l'évidence la marque du perfectionnisme, il faut aussi en faire fi pour communiquer pleinement avec un public qui n'attend que cela. Audrey, vous le valez bien…

Crédit photographique : © DR

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