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Blanche-Neige par Angelin Preljocaj : Absolutely fabulous !

Etonnant, incroyable, inouï, hallucinant, stupéfiant, magique, merveilleux, féerique, enchanteur… absolutely fabulous ! Les mots manquent pour évoquer le spectacle d' qui tient en haleine et fait rêver à la fois.

Tout y est travaillé et pensé pour offrir un conte onirique qui permet plusieurs niveaux de lecture, comme le Blanche-Neige initial des frères Grimm. Et ici une interprétation visuelle freudienne ou à la manière de Bettelheim avec des costumes très originaux de .

Créée en septembre dernier à la Biennale de Lyon et repris trois semaines après à Paris, ce spectacle arrive aujourd'hui à Dijon. On peut dire d'emblée qu'avec Blanche-Neige, Preljocaj fait un malheur. Et surtout, qu'avec Mahler, Preljocaj fait un Blanche-Neige ! En effet, la musique choisie pouvait au départ surprendre : des extraits de symphonies de Mahler, avec principalement la 1ère et son célébrissime «3e mouvement» (sur le thème «Frère Jacques» minorisé) lors de la sortie des nains par différents trous d'un mur troglodytique évoquant la fameuse grotte, nains qui apparaissent en deux temps, suivant les deux premières entrées de la musique. La danse aérienne ici tient du prodige, pleine de grâce, puisque les petits héros des frères Grimm (ici plutôt baraqués comme des sportifs de haut niveau) sont pendus à des fils, montant et descendant, rebondissant avec des gestes à la fois gracieux et arachnéens. La 5e symphonie joue également un rôle important, avec le célèbre «adagietto» au moment où le prince découvre le corps inanimé de Blanche-Neige, couchée sur une plaque de verre. La danse entamée par la superbe et l'athlétique Sergio Diaz est à ce moment-là éblouissante, tant leurs corps se mêlent et s'entremêlent dans une fusion érotique jubilatoire. Il faut dire que l'érotisme habite cette mise en scène, comme dans le moment où Blanche-Neige s'amuse avec des jeunes gens, au début, ou lorsqu'elle fraternise avec les nains ( !) sous les yeux de sa belle-mère qui la regarde dans son miroir, etc. L'entrée fracassante de la marâtre de Blanche-Neige, tout de noir et de rouge vêtue, d'une sensualité, voire d'une sexualité torride se fait au son de la 6e Symphonie. Elle adoptera d'ailleurs, outre ses cuissardes et autre cravache, des attitudes sadomasochistes très provocatrices. Elle est entourée de deux petites créatures félines malignes, aux gestes très proches de Catwoman incarnée magistralement par Michelle Pfeiffer dans l'un des films consacrés à Batman. Céline Galli, magnifique dans sa robe noire, réalise elle-aussi, à l'instar des danseurs déjà mentionnés, une prestation époustouflante. Et ce, jusqu'à la fin, où elle est condamnée à danser jusqu'à la mort sur un rythme étourdissant, avec des chaussures ensorcelées. Elle fait ainsi le pendant à la mort en couches de la mère de Blanche-Neige qui, au début du spectacle, ouvre… le bal.

Car, comme nous l'avons déjà mentionné, tout est pensé, structuré dans cette mise en scène. De jolies trouvailles sont à relever, au sein de décors magiques dus à Thierry Leproust. Ainsi, au début, le roi, après avoir perdu sa femme, s'occupe de sa petite fille… qui devient grande ! Le passage à l'âge adulte est tout simplement suggéré par le changement d'une petite danseuse par , merveilleuses toutes deux dans leur robe blanche. L'échange se fait derrière un mur, sans que le spectateur soit surpris, avec un enchaînement évidemment impeccable. Une autre trouvaille réside dans le face-à-face de la belle mère de Blanche-Neige… avec elle-même, dans la célèbre scène du miroir. Deux danseuses habillées de la même manière se font face et réalisent les mêmes gestes, en miroir, bien évidemment. Et lorsque Blanche-Neige deviendra la plus belle, fera face à une Céline Galli furieuse et dépitée. Pour terminer, rappelons le corps à corps entre Blanche-Neige et sa marâtre lorsqu'elle lui offre la pomme. Un moment d'anthologie ! De même que lorsqu'elle est allongée, morte, et que le fantôme de sa propre mère vient l'enlever pour la reposer ensuite. Son heure n'a pas encore sonné…

Les 26 artistes de la troupe de Preljocaj offrent donc ici un spectacle magistral, faisant montre d'une technique parfaite, que ce soit dans les pas de deux, pas de trois ou encore les danses en groupes.

Le seul petit bémol, peut-être, serait une sonorisation des enregistrements trop forte, avec une saturation dans les appels de cuivres mahlériens. Mais bon…

A la suite de ce spectacle, si vous poursuivez votre soirée en sympathique et charmante compagnie, malgré les petits tracas de votre journée mouvementée, vous n'en retiendrez que le côté étonnant, incroyable, inouï, hallucinant, stupéfiant, magique, merveilleux, féerique, enchanteur…en deux mots : absolutely fabulous… Merci Preljocaj !

Crédit photographique : © JC Carbone

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